Les ennuis judiciaires s'accumulent pour l'avionneur français Serge Dassault

Une plainte pour «association de malfaiteurs» vient d’être déposée contre l’industriel français et sénateur Serge Dassault lequel a aussitôt porté plainte à son tour entre autre pour «chantage, menaces». Le détenteur d’une des plus grosses fortunes de l’Hexagone est également soupçonné d’avoir instauré dans la ville de Corbeil-Essonnes, au sud de Paris, un système d’achat de votes. Le Sénat doit examiner la levée de l’immunité parlementaire de M. Dassault le 8 janvier 2014.

C’est un certain Fatah Hou, un ancien boxeur, victime début 2013 d’une tentative d’assassinat qui est à l’origine de la plainte pour « association de malfaiteurs » contre l’industriel Serge Dassault. Sont également concernés par cette plainte, le successeur de l’avionneur à la mairie de Corbeil-Essonnes, le directeur des Sports de la ville et un diplomate marocain en poste à Paris. 

«C’était pour avoir la paix»

Cette procédure fait suite à une autre toujours en cours d’instruction à Paris pour achat de votes, corruption, blanchiment et abus de biens sociaux à l’occasion des élections municipales de 2008, 2009 et 2010 à Corbeil-Essonnes remportées par Serge Dassault puis par son successeur, Jean-Pierre Bechter.

Serge Dassault qui a été le premier magistrat de Corbeil-Essonnes de 1995 à 2009, est soupçonné d’avoir mis en place dans cette ville de 43 000 habitants de la grande banlieue sud de Paris, un système frauduleux pour se faire élire et se maintenir en poste. Si le milliardaire nie avec force avoir donné de l’argent pour obtenir des voix aux élections, il reconnaît cependant avoir versé en 2011 une somme importante à un certain Mamadou Kebbeh.

« C’était pour avoir la paix, se défend Serge Dassault, pendant deux ans il m’a harcelé tout le temps en me menaçant de dire que si je ne lui versais pas plus d’argent, il dirait que l’argent déjà versé avait servi à payer les élections ». Dénonçant un « complot destiné à le démolir », il admet toutefois pour que tout cela cesse, avoir versé, via le Liban, 1,2 million d’euros à Mamadou Kebbeh. L’industriel estime en réalité avoir été victime de sa générosité légendaire.

Mais Serge Dassault ne semble pas avoir bien pris la mesure des conséquences fâcheuses que pouvaient entraîner ses libéralités auprès d’« une petite bande de voyous » comme il nomme maintenant ceux qui sont « à l’origine de ses problèmes actuels ». La distribution d’argent est une chose, mais les règlements de compte au calibre 38 en sont une autre et là, celui qui est aujourd’hui à 88 ans sénateur UMP de l’Essonne et patron du Figaro, en un mot notable parmi les notables, est complètement dépassé.

Vidéo, libéralités et immunité

En février 2013, Fatah Hou se fait tirer dessus en plein centre-ville de Corbeil. Lui comme son agresseur, Younès Bounouara écroué depuis le 6 novembre, sont bien implantés dans les quartiers difficiles de Corbeil. Un mois plus tôt, un autre habitant de Corbeil, Rachid Toumi 33 ans qui affirme avoir participé à un présumé système d’achat de votes, a lui aussi été victime d’une tentative d’homicide. Pour lui, son agression est la conséquence du non-paiement de fortes sommes d’agent à des jeunes de la cité.

Rapidement, les enquêteurs soupçonnent un conflit autour des sommes qu’aurait distribuées Dassault pour les élections et d’une vidéo pirate mise en ligne par Mediapart dans laquelle le milliardaire admet avoir donné de l’argent au fameux « Younès ». A des visiteurs venus lui réclamer de l’argent il répond : « Moi, j'ai tout payé, donc je ne donne plus un sou à qui que ce soit. Si c'est Younès, démerdez-vous avec lui ! ».

Serge Dassault a d’ailleurs été entendu le 14 octobre comme témoin assisté dans cette affaire. Il riposte le 4 novembre en portant plainte notamment contre Fatah Hou pour « menaces, chantage et tentative d’extorsion de fonds », lequel le poursuit à son tour le 3 janvier 2014 pour « association de malfaiteurs ». Une nouvelle plainte vient encore d’être transmise au parquet d’Evry par les avocats de l’industriel, ce 6 janvier, pour « des appels téléphoniques malveillants réitérés, tentative d'extorsion de fonds, chantage, menaces, recel et complicité de ces délits ». 

Cet enchevêtrement politico-judiciaire promet des années de procédures au regard des cinq enquêtes judiciaires ouvertes sur les affaires de Corbeil-Essonnes. A ce jour, Serge Dassault sénateur de la République, est à l’abri des poursuites. Mais cette protection pourrait lui faire défaut. Le Sénat doit en effet se prononcer le mercredi 8 janvier, sur la levée de son immunité parlementaire. Si les sénateurs décidaient cette levée, plus rien ne s’opposerait à ce que les juges du pôle financier chargés de l’enquête sur des achats présumés de votes le placent en garde à vue.

 

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