RFI : Quel était le rôle du certificateur allemand TÜV ?
Laurent Gaudon : Le rôle de ce certificateur allemand était de dire, selon une directive européenne de 1993, si les prothèses étaient conformes aux normes européennes et, comme le dit précisément la directive, que ces prothèses ne compromettaient ni la santé, ni la sécurité des patientes. Il est évident que compte tenu du scandale, le certificateur s’était trompé. Nous avons réussi à démontrer que c’était plus qu’une erreur, que c’était une série de négligences qui ont été parfaitement caractérisées par le tribunal.
L’entreprise a donc été reconnue coupable d’avoir manqué à ses obligations de contrôle et de vigilance vis-à-vis du fabricant PIP. Quelles en sont les conséquences pour les victimes ?
Les conséquences pour les victimes sont importantes parce que le fabricant des prothèses était insolvable. Donc même une condamnation de Jean-Claude Mas ne permettait pas une indemnisation, alors que TÜV est solvable. Il est non seulement responsable, mais aussi solvable. Ça veut dire qu’avec cette décision, les victimes sont assurées de pouvoir être indemnisées réellement de leur préjudice.
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C’était la seule voie pour une indemnisation des victimes ?
Oui, c’est la seule voie. Jean-Claude Mas est insolvable et même s’il arrivait à grappiller un peu d’argent caché, ça ne suffirait pas pour indemniser les milliers et les milliers de victimes. Et concernant l’ANSM [l’Agence nationale de sécurité du médicament, ndlr], je n'en suis pas certain, quoi qu’il y ait eu des défaillances. TÜV était la seule société qui, à mon avis, a eu effet directement sur PIP. Elle a un rôle fondamental dans la commercialisation de ces prothèses et est en même temps solvable. C’était la chance unique pour les victimes d’être indemnisées.
Combien de personnes sont concernées par cette indemnisation et avec quel montant ?
L'indemnisation concerne aujourd’hui 1 672 victimes que j’ai représentées et qui sont pour la plupart étrangères (anglaises, sud-américaines, vénézuéliennes). Mais je vais vraisemblablement assez rapidement réengager un nouveau recours avec les victimes qui ont contacté mon cabinet depuis pour obtenir de mêmes indemnisations. Le tribunal a condamné TÜV à verser à chaque victime, même s’il y a appel de sa part, une somme minimum de 3 000 euros. Et il a désigné un expert qui examinera les victimes qui le souhaitent et l’indemnisation pourra augmenter.
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L’appel ne changera rien. Donc, quoi qu’il arrive, l’indemnisation est acquise ?
Oui, parce que le tribunal a prononcé ce qu’on appelle « l’exécution provisoire », c’est-à-dire que le jugement doit s’appliquer tout de suite. Ils doivent payer tout de suite, même s’il y a appel.
Cette décision a surpris. Est-ce que cela veut dire que la fraude n’aurait pas pu avoir lieu si les contrôles avaient été faits correctement ?
En fait, ça a surpris ceux qui ne connaissaient pas le dossier. Moi, ça ne m’a pas surpris une seconde parce qu’une société qui assure que des prothèses ne compromettent pas la santé, ni la sécurité de produits qui sont destinés à être implantés dans le corps humain pendant des décennies, cette société qui certifie, peut quand même faire des contrôles approfondis. Et à la lecture du dossier, on s’aperçoit que les contrôles ont été superficiels, que toutes les visites étaient annoncées, que le personnel que TÜV employait n’était pas habilité à faire ces visites. Il y avait un tas de négligences scandaleuses. Il ne s’agissait pas de certifier des crayons. Il s’agissait de certifier des prothèses mammaires. Moi, ça me paraissait évident que TÜV soit condamné. Après qu’on ait une provision, c’était plus délicat. Mais la condamnation de TÜV allait de soi.
Est-ce que cette décision peut avoir un impact sur la décision que l’on attend pour le 10 décembre prochain à l’encontre de la société PIP ?
Oui et non, parce que le tribunal correctionnel peut considérer que TÜV est victime d’une escroquerie. TÜV ne lui a pas tout dit et cela n’empêche pas que TÜV n’a pas travaillé correctement. Si TÜV avait fait correctement son travail, elle n’aurait pas été victime d’une escroquerie, mais elle a été victime effectivement de mensonges de la part de PIP. Donc ce n’est pas contradictoire. On peut avoir une condamnation de PIP sur TÜV et une condamnation de TÜV au civil. Ce n’est pas contradictoire.