Il manque cinq sièges à Angela Merkel pour disposer au sein du Parlement fraîchement élu, le Bundestag, de la majorité absolue. Dans un pays où la stabilité et la sécurité constituent des valeurs centrales, l’hypothèse d’un gouvernement minoritaire recherchant au cas par cas des majorités pour faire adopter ses projets de loi a été immédiatement exclue.
Deux options se présentent à Angela Merkel, réélue pour la deuxième fois : une grande coalition avec le Parti social-démocrate allemand (SPD) avec lequel la chancelière a déjà gouverné l’Allemagne entre 2005 et 2009 ou une alliance historiquement inédite au plan national avec les écologistes. Les chrétiens-démocrates ont perdu le 22 septembre leurs alliés avec lesquels ils avaient gouverné depuis 2009, le parti libéral, dont le score ne lui a pas permis d’être représenté au Parlement.
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Contrairement à d’autres pays où la Constitution d’une coalition est assez rapide, les choses sont plus compliquées en Allemagne. Quand plusieurs partenaires entrent en ligne de compte, il faut d’abord se décider. Comme lors d’un speed dating, il faut sonder le terrain avec les uns et les autres pour savoir avec quel partenaire potentiel des négociations en bonne et due forme ont des chances d’aboutir. C’est à cet exercice que se livrent actuellement les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel. Deux rencontres ont déjà eu lieu avec les sociaux-démocrates comme avec les Verts.
Ni le SPD ni les écologistes ne meurent d’envie de participer au gouvernement. Ils ont en mémoire les deux dernières législatures qui se sont achevées à chaque fois par une défaite historique du partenaire minoritaire de la chancelière rebaptisée « la veuve noire ». En clair, Angela Merkel, toujours aussi populaire, serait la seule à tirer les marrons du feu. Ses partenaires seraient les grands perdants. A ces précédents peu encourageants s’ajoutent pour les sociaux-démocrates et les Verts, encore sonnés par des résultats décevants, la crainte face à des conservateurs victorieux de devoir faire trop de concessions et d’être sanctionnés par leur base. Ils veulent donc monnayer au plus haut prix leur participation à un éventuel gouvernement de coalition avec Angela Merkel afin que le contrat qui doit être conclu au terme de laborieuses négociations porte leur empreinte.
Des divergences sur deux points essentiels
Pour les deux partis de gauche, deux grands thèmes jouent un rôle central et ont suscité des frictions durant leurs premières rencontres avec les chrétiens-démocrates : un salaire minimum légal généralisé qui n’existe pas en Allemagne et que le SPD et les Verts veulent introduire pour lutter contre le développement du précariat mal payé ; des hausses d’impôts pour les plus aisés figuraient au centre du programme des deux mouvements pour financer des investissements pour l’éducation, les familles ou les infrastructures. L'Union chrétienne-démocrate (CDU) plaide certes pour un salaire minimum, mais veut laisser les partenaires sociaux – une forte tradition germanique - en déterminer le montant branche par branche et région par région. Les chrétiens-démocrates ont par ailleurs catégoriquement rejeté des hausses d’impôts durant la campagne électorale. Il les juge nuisibles à la conjoncture et renvoie à la hausse continue des rentrées fiscales en Allemagne ces dernières années.
La plupart des observateurs tablent à l’arrivée sur un gouvernement de grande coalition entre chrétiens et sociaux-démocrates. Une alliance entre la CDU d’Angela Merkel et les écologistes a ses supporters. L’abandon du nucléaire a supprimé une pomme de discorde majeure entre les deux partis. Mais les différences subsistent surtout sur un plan culturel. Et les Verts qui viennent complètement de renouveler leur direction sont d’abord occupés à se remettre sur les rails.
Vers une troisième session de discussions
Après une éventuelle troisième rencontre exploratoire entre les chrétiens-démocrates et le SPD, le parti d’Angela Merkel devrait annoncer d’ici la fin de la semaine avec quel partenaire il souhaite entamer des négociations en vue de constituer un gouvernement. Les sociaux-démocrates ont convoqué un mini-congrès dimanche prochain. Cette instance doit donner ou non son feu vert à la direction pour ouvrir de telles discussions. Les états d’âme de la base expliquent que le parti fasse le maximum en amont pour faire monter les enchères et arracher des concessions aux conservateurs. A l’arrivée, ce sont les 470 000 membres du SPD qui devront avaliser ou rejeter un accord conclu avec la CDU. Ce passage obligé constitue bien sûr un levier de poids pour les négociations, la CDU sachant que la base sociale-démocrate n’acceptera pas un contrat de coalition trop marqué par le programme des conservateurs. Pour les responsables sociaux-démocrates, cette première dans l’histoire du parti constitue également un danger. Après un rejet par la base d’un accord droite-gauche, la direction du parti serait remerciée.