Lance Armstrong aurait pu être le personnage principal d’un grand film hollywoodien. Désormais, le voici déchu de ses sept Tours de France, affublé d’une réputation d’homme machiavélique qui a organisé autour de lui un système de dopage sophistiqué, et a triché au nez et à la barbe de tous de 1999 à 2005.
Il incarne le self-made-man
Voilà donc un mythe qui s’effondre. Celui d’un coureur acharné (il devient un des plus jeunes champions du monde à 21 ans en 1993 à Oslo), qui n’a pas peur par exemple de monter l’Alpe d’Huez à plusieurs reprises sous une météo exécrable. Son ancien sponsor, Nike, a même utlisé ses entraînements inhumains pour des campagnes de communication. Il incarne la réussite dans l’échelle sociale, dans un pays où tout est possible. Le Texan en a d’ailleurs beaucoup joué en se mettant en scène dans les médias américains après chaque victoire dans le Tour. Il a maintes fois raconté son enfance malheureuse : le départ de son père alors qu'il n'a que 2 ans, et la façon dont il a mis à la porte son beau-père, Terry Armstrong, pour préserver sa mère... tout en conservant son patronyme.
Ensuite, il a aussi mis en avant son cancer lors de son retour fracassant dans le monde du cyclisme en 1999, date de son premier sacre (à la surprise générale). Un cyclisme malade, en état de choc après le Tour 1998 et l’affaire Festina... Il devient alors l’impitoyable patron d’une course qui fait rêver le monde entier. Il en profite pour créer et mettre en avant sa fondation de lutte contre le cancer, Livestrong (2004).
Insultes et menaces à l’égard d’autres coureurs
Mais pour devenir le premier coureur à passer la barre des cinq victoires, il n’a aucun état d’âme et met tout en ouvre pour arriver à ses fins. Jusqu’à l’absurde. Ils méprisent ses concurrents, comme ce jour où il invective le coureur italien Filippo Simeoni, coupable selon lui d’avoir lâché le nom du sulfureux docteur Ferrari (« un ami »), lors d’une garde à vue devant les carabiniers. Par mesure de rétorsion, l’Américain, rancunier, ordonne à Simeoni de quitter l’échappée dans laquelle il se trouve lors d'une étape du Tour 2004, en lui expliquant qu’il vaudrait mieux qu’il arrête le vélo.
« Il m’a insulté et menacé parce que j’avais témoigné contre son ami, le docteur Michele Ferrari (accusé d’avoir introduit l’EPO dans le peloton, ndlr). Lui et certains de ces coéquipiers, dont Viatcheslav Ekimov, m’ont également mis la pression. Ce jour-là, le monde entier a pu voir en direct à la télévision qui était vraiment Armstrong. Le plus grave, c’est qu’à l’époque, cela n’avait gêné personne (...)Il était brutal dans sa façon de fonctionner. Il était dans l’intimidation », a récemment déclaré le coureur italien sur le site internet de RMC Sport.
Le Français Christophe Basson, qui avait pour ambition de briser l’omerta qui régnait sur le cyclisme de cette époque, connaît aussi le pouvoir que le coureur américain peut avoir sur le peloton du Tour. Il est contraint de quitter la course, poussé à bout par Armstrong et ses coéquipiers (en 1999). « S'il pense que le cyclisme fonctionne comme cela, il se trompe et c'est mieux qu'il rentre chez lui », avait déclaré l'Américain.
Des stars sur le Tour de France
Rescapé du cancer, Lance Armstrong se voulait un personnage philanthrope. Mais finalement, il s’entoure des plus grands et a même ses entrées à la Maison Blanche du président George W. Bush. Lance Armstrong ne cache pas ses intentions de devenir un homme politique.
Après son divorce en 2003, il commence une liaison avec la chanteuse américaine Sheryl Crow, connue dans le monde entier, après avoir obtenu neuf Grammy Awards et vendu des millions d’albums. Il invite sur le Tour une partie du gratin américain comme Arnold Schwarzenegger, l’acteur Ben Stiller ou encore Robin Williams. Mais autour de lui gravitent aussi des gens d'influence, à l'instar du patron de l’UCI de l’époque, Hein Verbruggen (1991-2005), à qui il a fait deux dons pour un montant total de 125 000 dollars, qui serviront notamment à l'achat de matériel antidopage.
Un cynisme de tous les instants. Dès lors qu’un de ses coéquipiers décide de voler de ses propres ailes, le coureur américain montre les crocs. Il exige une soumission totale de ses « gregarios », et il ne supporte pas, par exemple, le départ de Tyler Hamilton. « Tu es fini, plus jamais tu ne gagneras une course ». Mieux, lorsqu’un adversaire peut lui barrer la route l’année suivante, il s’empresse de l’embaucher, comme l’Espagnol Roberto Heras, vainqueur du Tour d’Espagne à trois reprises. Une façon d’étouffer la concurrence.
Début de la fin
En 2009, alors qu’il fait son retour, il vit une cohabitation agitée avec l’Espagnol Alberto Contador. Il récolte son dernier résultat marquant : une troisième place, synonyme d'un huitième podium sur les Champs-Elysées, à près de 38 ans. L’année suivante, il quitte définitivement le Tour sur une 22e place. Une sortie honorable pour un coureur qui, avant son cancer, n'avait commencé sa carrière dans sa course de prédilection qu'avec trois abandons et une maigre 36e place au classement général.
« Il arrive un moment dans la vie d'un homme où il faut dire : "Trop c'est trop" », affirmait en août dernier Lance Armstrong pour expliquer sa volonté de ne pas se justifier devant ses accusateurs. L’homme qui se voulait « un exemple pour le monde entier », avec le plus beau palmarès du Tour de France, se retrouve au cœur d’un enfer médiatique. Pourtant, Lance Armstrong pensait pouvoir tout contrôler.