L’Espagne, l’autre pays des Oranje

La finale de la Coupe du monde de football va opposer, dimanche à Johannesburg, l’Espagne aux Pays-Bas, deux équipes qui partagent un des plus beaux héritages du football européen : celui de l’Ajax Amsterdam de Johan Cruijff. Ou comment résoudre l’équation « Espagne + Barcelone = Pays-Bas »…

De notre envoyé spécial à Johannesburg,

La comparaison peut paraître audacieuse mais elle tient la route : l’Espagne et les Pays-Bas, finalistes ce dimanche à Johannesburg de la Coupe du monde, entretiennent une proche parenté footballistique. Mieux, la première s’est largement inspirée de la seconde… et comme souvent, l’élève a dépassé le maître. Et qui a relancé cette idée deux jours avant le rendez-vous fatidique de Soccer City ? Bert Van Marvijk en personne. Pour le sélectionneur néerlandais, en effet, « le FC Barcelone et l’équipe d’Espagne ne font qu’un. Le style, la façon de jouer sont les mêmes. Peut-être que la sélection espagnole est influencée par Barcelone, et le Barça par ses anciens entraîneurs, Johann Cruijff et Rinus Michels ». Or Cruijff et Michels sont tout aussi néerlandais que Van Marvijk lui-même. Ce qui lui permet de conclure sur le sujet, non sans ironie : « Le style de l’équipe d’Espagne est une grande fierté pour le football néerlandais. »

Le Barça, maison-témoin de l’école hollandaise

Les liens étroits entre les Pays-Bas et le football espagnol remontent au tout début des années 1970, et à l’arrivée de Rinus Michels au FC Barcelone. L’entraîneur tout auréolé du premier titre européen de l’Ajax Amsterdam conquis en 1971, arrive avec dans ses bagages son concept révolutionnaire de « football-total » : fini le taylorisme sur les pelouses, désormais tout le monde attaque et tout le monde défend. En 1973, la superstar néerlandaise Johan Cruijff débarque à son tour en Catalogne, flanqué de son fidèle lieutenant, Johan Neeskens. Après avoir raccroché les crampons, Cruijff va se faire un nom comme entraîneur… au Barça, à qui il permet de décrocher sa première Ligue des champions, en 1992. Mieux, il donne à ce club une identité de jeu qui ne se démentira plus. Les passages de deux autres techniciens néerlandais de premier plan – Louis Van Gaal, de 1997 à 2000, puis de 2002 à 2003, et Frank Rijkaard, de 2003 à 2008 – achèveront de faire du club catalan une maison-témoin de l’école hollandaise de football.

David Villa sur les traces de Johan Cruijff ?

L’équipe d’Espagne 2010, c’est en quelque sorte une version améliorée du FC Barcelone, dont six joueurs étaient titulaires en début de match face à l’Allemagne, mercredi à Durban. Améliorée car elle compte trois joueurs qui ne sont pas passés par le Barça mais jouent à merveille ce football-total d’inspiration néerlandaise : Sergio Ramos, l’arrière qui se mue en attaquant à longueur de match, Xabi Alonso, premier défenseur depuis son poste au milieu du terrain mais aussi rampe de lancement de ses avants, et enfin David Villa, buteur génial et inspiré, alliant technique, vitesse et sens du but… autant de qualités que n’aurait pas reniées maître Johan, et qu'il pourra admirer la saison prochaine au Nou Camp, le stade du FC Barcelone où le joueur vient de signer.

L’évidence des liens entre le football néerlandais et le FC Barcelone est enfin illustrée par un paradoxe qui prend la forme de deux monumentales erreurs de casting. En signant au Real Madrid en 2007, Arjen Robben et Wesley Sneijder, les meilleurs joueurs des Pays-Bas actuels, ont voulu faire fi de l’héritage des Michels, Cruijff, Van Gaal et Rijkaard. Leur échec chez le grand rival du FC Barcelone soulignait combien le club catalan était fait pour eux. Espérons qu'ils ne se tromperont pas de camp dimanche soir...

 

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