Mediator: vers une mise en examen des laboratoires Servier, soupçonnés de tromperie

Les laboratoires Servier, fabricants du Mediator, sont convoqués par les juges en vue d’une éventuelle mise en examen. C'est ce qu'a indiqué, ce mardi 6 septembre 2011, l’avocat de la firme. Trois juges parisiens instruisent en effet des informations judiciaires pour tromperie aggravée, homicides et blessures involontaires et escroquerie. Cette annonce intervient alors que de nouvelles révélations sont parues dans la presse. Selon Le Figaro et Libération, qui ont eu accès aux dépositions de deux chercheurs du groupe, les laboratoires Servier auraient menti dès les années 1970 sur la nature du médicament. L’entreprise, de son côté, réfute toute volonté de tromperie.

Ces révélations ébranlent la ligne de défense des laboratoires Servier, soupçonnés notamment de tromperie aggravée sur la nature du produit. Depuis le début, la firme maintient que le Mediator n’est pas un coupe-faim, mais un médicament indiqué dans le traitement du diabète de type 2. Or, les extraits de dépositions de deux chercheurs du groupe cités par Le Figaro et Libération viennent contredire cette thèse.

Le professeur Jean Charpentier, aujourd’hui à la retraite, a travaillé pour Servier dès 1968. Il a mené des études sur le Mediator avant son autorisation de mise sur le marché obtenue en 1974. Il aurait dit aux magistrats, « c’est vrai, il diminue la faim », cela en serait même le caractère principal, laisse-t-il entendre.

Jacques Duhault, pharmacologue au sein du groupe pendant près de quarante ans, quant à lui, ne sait pas pourquoi le laboratoire n’a pas voulu retenir l’indication anorexigène - c’est-à-dire coupe-faim - dans le dossier déposé auprès des autorités sanitaires en 1973.
Pour Jean Charpentier, « le choix du diabète s’explique car c’est un domaine infiniment plus rentable pour les labos ».

Pour les laboratoires Servier, l’enjeu est de taille

Par ailleurs, les enquêteurs auraient mis la main sur des documents internes de la fin des années 1960 qui font état des propriétés coupe-faim de la molécule. Il est mentionné aussi le fait qu’elle est dérivée de l’amphétamine, une substance dont les effets nocifs sont connus à l’époque. Or, ces propriétés ne se retrouvent pas dans les expertises signées du professeur Charpentier et utilisées par la firme pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché du Mediator. « Cela a été fait dans le but d’avoir l’AMM (Autorisation de mise sur le marché). On présente de la façon la plus favorable possible », indique Jean Charpentier aux magistrats, d’après Libération.

De leur côté, les laboratoires Servier « réaffirment formellement n’avoir trompé ni les autorités de santé ni les patients », et soutiennent que « le Mediator ne montrait pas d’activité anorexigène chez l’homme aux doses thérapeutiques ».

Pour les laboratoires Servier, l’enjeu est de taille. Il est d’abord financier : Axa, son assureur, a indiqué que la firme pharmaceutique n’était pas assurée pour les risques liés aux coupe-faim. Le groupe pourrait donc devoir payer lui-même les indemnisations aux victimes. Par ailleurs, si la tromperie aggravée est avérée, les laboratoires Servier risquent de se voir infliger une interdiction d’exercer.

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