Une étape importante a été franchie avec le démarrage de ce dispositif.
Il répond à une demande forte de plusieurs associations de victimes, qui souhaitaient avoir une alternative à l’action en justice pour obtenir réparation. En effet, une procédure judiciaire civile peut durer de nombreuses années ; en outre, elle est coûteuse.
Le ministère de la Santé s’était donc engagé à assurer une indemnisation juste et rapide. La loi instituant le dispositif a été votée cet été, le décret publié début août. Il reste des choses à régler, comme le barème des indemnisations, mais le cadre est là. C’est l’ONIAM, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, qui va centraliser les demandes.
Les victimes ayant subi un dommage corporel ou leurs ayants droit peuvent déposer un dossier. Elles n’auront aucun frais à leur charge. « Ce dossier est examiné par un collège d’experts qui va regarder la réalité du dommage et son imputation au médicament », explique Dominique Martin, directeur de l’ONIAM. « Si c’est le cas, ce collège va envoyer un avis au laboratoire producteur du médicament, lui proposant de faire une offre à la victime. Si le laboratoire fait une offre à la victime et si celle-ci l’accepte, l’affaire est définitivement réglée. »
En revanche, si le laboratoire refuse, la victime pourra être indemnisée directement par l’ONIAM. «L’ONIAM se retournera alors contre le laboratoire devant le juge pour réclamer l’argent versé à la victime. Il pourra par ailleurs réclamer une pénalité importante de façon évidemment à dissuader le laboratoire de ne pas faire d’offre aux victimes dans le cadre de ce dispositif », précise Dominique Martin.
Si tout se passe bien les premières indemnisations pourraient avoir lieu dans un an. Et c’est donc in fine le laboratoire Servier, en tant que fabricant d’un produit défectueux, qui devrait régler la facture. Xavier Bertrand, le ministre de la Santé, n’a eu de cesse d’affirmer au cours des derniers mois qu’il n’était « pas question que la solidarité nationale paie à la place du fabricant du Mediator ».
Bien sûr le ministre espère que l’ONIAM n’aura pas à avancer les fonds, que l’entreprise française va jouer le jeu, pour l’y aider, il y a cette fameuse pénalité qui peut aller jusqu’à 30% de l’indemnité.
Pour autant, la firme va-t-elle coopérer ? C’est toute la question. Les représentants du laboratoire ont refusé de nous accorder une interview.
Reste que du côté de l’association des victimes de l’Isoméride et du Mediator (Avim), la méfiance est de mise. « Cela fait plus de douze ans que nous sommes en procédure pour la défense des victimes de l’Isoméride [l’Isoméride est un ancien médicament du laboratoire Servier, proche du Mediator et responsable lui aussi de graves effets secondaires ; il a été retiré du marché en 1997 ndlr].
Le laboratoire Servier, par l’intermédiaire entre autres de ses avocats, est procédurier au possible et utilise tout ce que la législation française lui permet pour retarder l’indemnisation des victimes ; je crains qu’il ait la même attitude malheureusement à l’égard des victimes du Mediator », indique Dominique Courtois, le président de l’Avim.
En théorie, d’autres acteurs de santé peuvent être mis à contribution pour dédommager les victimes dans le cadre du dispositif. Des médecins pourraient être inquiétés ; ceux, nombreux, qui ont prescrit le Mediator comme coupe-faim et ainsi n’ont pas respecté les indications officielles (traitement du diabète et de l’hypertriglycéridémie).
Les victimes, via l’ONIAM, pourraient leur demander de mettre la main à la poche. Toutefois, l’Office national d’indemnisation n’engagera pas de recours contre ces médecins, Xavier Bertrand l'a promis. Cela ne rassure pas complètement Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français : « Nous avons l’habitude que les paroles ne soient pas toujours suivies d’effet donc nous restons très vigilants, prévient-il. « Simplement nous disons que dans cette affaire, les médecins n’ont pas de responsabilités, parce qu’ils ont prescrit un médicament parfaitement autorisé et licite, et ils n’en ont ni la responsabilité de la fabrication, ni la responsabilité de la mise sur le marché » estime-t-il.
En ligne de mire : l’Etat, via l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), est accusé d’avoir tardé à retirer le Mediator du marché ; mais aussi le laboratoire Servier, qui pourrait tenter de se retourner contre les médecins ayant prescrit le médicament comme coupe-faim, pour récupérer les sommes déboursées.
Quoi qu’il en soit, la mise en place du dispositif d’indemnisation ne clôt pas l’affaire Mediator. Loin s’en faut. Certes, les personnes indemnisées par ce fonds ne pourront plus mener de procédure judiciaire civile. Mais certaines victimes peuvent préférer l’action en justice pour obtenir réparation. Et surtout, toutes les victimes conservent leur droit d’intenter une action pénale pour établir les responsabilités et infliger des sanctions.
« Les victimes que je représente et qui vont solliciter le fonds d’indemnisation ne vont pas abandonner les poursuites pénales, bien au contraire, indique Charles Joseph-Oudin, l’avocat de nombreuses victimes. La volonté des gens, ce n’est pas qu’une volonté d’indemnisation, mais bien une volonté d’être reconnu comme victime et d’obtenir une décision de condamnation du laboratoire Servier. La procédure pénale doit continuer» poursuit-il.
Ainsi, le prochain grand rendez-vous avec la justice pour le laboratoire Servier devrait avoir lieu courant 2012. Il s’agit d’un procès dans le cadre de citations directes pour tromperie aggravée. Parallèlement, plusieurs centaines de plaintes pour homicides et blessures involontaires ont été déposées. La bataille judiciaire ne fait donc que commencer.