Après l'affaire du Mediator, la réforme du système du médicament démarre

Suite à l’affaire du Mediator, le gouvernement voulait réformer le système du médicament. Un projet de loi a donc été présenté le 1er août 2011 en Conseil des ministres. Agrément administratif et sanitaire des médicaments, information des médecins, rôle des visiteurs médicaux, transformation de l’Agence dédiée : le système français du médicament va profondément changer.

L’affaire du Mediator a occupé la Une des médias il y a quelques mois. Car ce médicament antidiabétique du laboratoire Servier, commercialisé pendant 33 ans, a fait entre 500 et 1000 victimes. La molécule n'a pas été prescrite qu'à des diabétiques mais aussi à bon nombres de personnes qui voulaient perdre du poids. 

Pour éviter qu’un tel scandale sanitaire se reproduise à l'avenir, le ministre de la Santé a préparé une réforme en profondeur du système de santé dans son volet médicament. Le but est de renforcer la sécurité du système du médicament et, selon Xavier Bertrand, de parvenir à « un vrai changement de notre culture médicale ».

L'objectif fixé par le ministre de la Santé Xavier Bertrand est clair: il ne faut pas que demain, il puisse y avoir une nouvelle affaire type Mediator. La principale nouveauté de la réforme du médicament concerne la transparence et le suivi des effets secondaires d'un médicament. Il y aura notamment une plus grande surveillance des risques avec un meilleur contrôle des laboratoires en cas de doute sur une substance.

« Ce qui est très important, c’est que le doute bénéficie aux patients et non pas aux laboratoires comme c’était le cas pour le Mediator. On a vu cela dans le rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales). Si un doute apparaît sur un médicament on doit immédiatement prendre en compte le fait que les risques sont importants et on doit, effectivement, décider sa suspension rapide du marché des médicaments », explique le docteur Dominique-Michel Courtois, président de l'Association des victimes du Mediator.

La prévention des conflits d'intérêt est un autre grand volet de la réforme. Ainsi, le texte de loi vise à clarifier les relations entre le monde de la santé et l'industrie pharmaceutique. Il ne devrait plus y avoir de liens entre les laboratoires privés et les organismes qui surveillent les produits de santé, comme c'était le cas avec l'Afssaps, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. « Les conflits d’intérêt, on les a vus (à l’œuvre). On avait un organisme qui était financé quasiment intégralement par les laboratoires. On a vu que les experts étaient pratiquement les mêmes pour les laboratoires et l’Afssaps.

Je pense qu’effectivement, cette réforme, ce n’est pas mal. Mais on peut toujours aller plus loin sauf qu’il y a peu d’experts hyper-compétents en France et souvent, on les retrouve des deux côtés de la barrière. Mais je crois que déjà, ce qui est proposé est une très bonne chose », souligne encore le docteur Dominique-Michel Courtois.

La politique commerciale des industriels est également à revoir. La publicité sera soumise à des règles très strictes et le rayon d'action des visiteurs médicaux sera très restreint. « La visite médicale telle qu’on l’a connue est terminée. Si on vient faire la promotion, la publicité d’un médicament – ça me gêne. Et si par contre il s’agit de donner des informations, certains médecins disent que cela peut encore être utile, il faut que cela se passe dans des conditions nouvelles.

Donc là, très clairement on change tout : contrôle a priori de ce que les laboratoires disent à leur visiteurs médicaux ;  contrôle a priori et communication de tous les documents remis aux médecins et à l’hôpital, pour commencer. Parce qu’on est désormais dans un cadre collectif : il n’y aura plus ce tête-à-tête entre le visiteur médical et le médecin », confirme Xavier Bertrand, le ministre de la Santé.

Finalement l'un des plus grands changements sera également institutionnel : l'Afssaps, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, deviendra l'Agence nationale de sécurité du médicament. Et en cas de doute sur les effets secondaires d’un médicament, cet organisme devrait avoir la capacité de demander aux laboratoires de nouvelles études sur le médicament concerné.

Ce nouveau pouvoir sanitaire sera doté de moyens importants. « D’abord, il y aura des moyens réglementaires et législatifs puisque l’Agence aura les moyens juridiques de prendre des décisions opposables aux laboratoires et à la pratique, notamment en ce qui concerne l’utilisation des biens de santé. C’est bien de les évaluer mais il faut être sûr de leur utilisation.

Les laboratoires auront aussi de nouvelles responsabilités. Et surtout, il y aura de nouveaux moyens financiers, les moyens publics, qui vont permettre à l’Agence d’être indépendante dans ses décisions. Un exemple concret : on va pouvoir étudier, avec l’Assurance maladie, le bénéfice et le risque de nombreux médicaments –ça s’appelle techniquement la pharmaco- épidémiologie et cela, sans demander forcément aux laboratoires quelle est leur opinion. Le but est que nous ayons nos propres sources d’information pour prendre les décisions les plus adéquates pour la santé publique », estime Dominique Maraninchi, directeur général de l'Afssaps. La seule inconnue, c’est l'enveloppe budgétaire qui sera donnée à cette future Agence nationale de sécurité du médicament.

Le projet de loi du système du médicament sera débattu dès la rentrée parlementaire, en septembre 2011. Et d'ores et déjà, de nombreuses personnalités du monde médical saluent les réformes à venir. Toutefois, la pneumologue Irène Frachon, estime que le nouveau texte de loi ne va pas assez loin.

Pour cette spécialiste qui fut la première à dénoncer le scandale du Mediator, certains points ne sont pas  suffisamment développés comme le financement des formations des médecins ou encore le rôle des visiteurs médicaux.

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