Les conséquences du conflit syrien se font plus que jamais sentir sur le voisin libanais. Début août, des incursions spectaculaires de combattants jihadistes syriens ont eu lieu dans la Bekaa au nord-est du pays, à la frontière avec la Syrie. Le Front al-Nosra, branche syrienne d'al-Qaida et l'Etat islamique ont attaqué des positions de l'armée libanaise et se sont même emparés un temps du village libanais à majorité sunnite d'Ersal. Durant les combats, les jihadistes ont pris en otage une trentaine de militaire et de policiers. L'un d'eux aurait été décapité et cinq autres, des sunnites, ont été libérés samedi dernier, le 30 août. 24 d’entre eux seraient donc toujours retenus, dont des chrétiens, des Druzes et des chiites. Leurs ravisseurs menacent de les exécuter si des prisonniers jihadistes détenus à Beyrouth ne sont pas libérés.
C’est un choc pour l'opinion et il y a de quoi agiter le spectre de la haine communautaire. Avec la présence au Liban d'un million et demi de réfugiés syriens, en grande majorité des sunnites, certaines personnalités politiques expriment leur crainte de voir les camps de réfugiés devenir des bases pour les jihadistes syriens au Liban. « Nous n'avons pas d'autre solution que de fermer nos frontières, estime Farid Karam, député du parti chrétien des Forces libanaises. Les réfugiés syriens vivent parmi nous. Et il n'y a pas de mesures de sécurité, pas de mesures humanitaires. Ils sont jour après jour à la merci de criminels et deviennent une menace pour l'existence des Libanais et du Liban ».
La classe politique en rang serré derrière l’armée
Mais les évènements d'Ersal ont surtout permis de resserrer les rangs autour de l'armée libanaise, qui, on le rappelle, est multiconfessionnelle. « La classe politique était divisée, mais comme des islamistes se sont attaqués aux postes de l’armée libanaise, on a vu cette classe politique réunie derrière l’armée libanaise pour la soutenir contre les extrémistes : ça, c’est une nouveauté », constate Ghassan el-Ezzi, professeur de sciences politiques à l'Université du Liban.
Les dirigeants libanais ont d'ailleurs fait appel à l'aide internationale pour équiper l'armée et lutter contre les jihadistes. Les Etats-Unis ont déjà livré des armes légères. L'aide saoudienne de 3 milliards de dollars pour financer des armes et des équipements que fournirait la France est presque finalisée. C'est ce qu'on apprenait hier, lundi, à l'occasion de la visite de trois jours à Paris du prince héritier d'Arabie saoudite et du ministre de la Défense, Salman Bin Abdulaziz Al Saoud.
Pour l'Arabie saoudite et pour les parrains occidentaux, le Liban ne doit en aucun cas être entraîné dans la spirale de la guerre civile.
Les dangers immédiats éclipsent la crise institutionnelle
Ces dangers immédiats éclipsent le vide institutionnel que connaît le pays, où deux blocs au Parlement, celui du « 14 mars » dirigé par le sunnite Saad Hariri et celui du « 8 mars » mené par le Hezbollah, ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un président de la République. Souvent, ce genre de crise au Liban se dénoue après l’intervention des parrains régionaux, ici l'Arabie saoudite ou l'Iran. Mais pour le moment, d'autres dossiers brûlants, notamment l'Irak les occupe.
Mais pour Samer Abdallah, un des militants qui protestent en lançant des tomates contre les parlementaires pour dénoncer la prolongation du mandat du Parlement et exiger des élections législatives, c'est évident, les députés ne cherchent qu'à fuir leurs responsabilités. « Leur excuse, c'est la détérioration de la sécurité dans la Bekaa. L'année dernière, ils ont dit la même chose pour ne pas organiser les élections. Ils veulent prolonger leur mandat pour maintenir le statu quo et rester au pouvoir sans faire de compromis et sans répondre aux besoins des gens ni aux urgences du moment », s’insurge-t-il.
Les problèmes ne manquent pas, en effet, qu'ils soient nés ou accentués avec l'afflux des réfugiés. Crise sécuritaire, humanitaire, chômage, sécheresse : tous les voyants sont au rouge.