Reportage de nos envoyés spéciaux à Bagdad, Boris Vichith et Daniel Vallot
Dans les quartiers du centre de la ville à majorité chiite, le sentiment qui domine c’est d’avoir obtenu un répit, d’avoir échappé au pire pour le moment en tout cas. Il y a encore quelques jours, les habitants de Bagdad craignaient de voir déferler sur la capitale, les rebelles sunnites qui se sont eux même fixé comme objectif de prendre la ville et de fait les rebelles n’avancent plus. Le front, si on peut utiliser le terme, s’est stabilisé à une distance difficile à évaluer, à au moins 30 km au nord de Bagdad.
Vendredi, était-ce en raison de la chaleur étouffante ou de la crainte des attentats mais les rues de Bagdad étaient en début d’après-midi quasiment désertes. Layth, 26 ans, est venu boire un verre en terrasse, avec un ami. Comme de nombreux habitants de Bagdad, il vit depuis deux semaines, dans la crainte et l’inquiétude. « Bien sûr que j’ai peur de ce qui se passe aujourd’hui en Irak, raconte Layth. Nous avons peur des attentats à la voiture piégée, et surtout nous craignons de voir entrer les jihadistes dans Bagdad. Ce serait un danger mortel pour nous tous ».
Non loin de là se tient un homme plus âgé, armes de poing à la ceinture. Lui ne s’inquiète aucunement d’un éventuel assaut des jihadistes car ils sont déjà en train de refluer, dit-il, face à l’armée irakienne. « La situation était critique, mais maintenant, ça va mieux, témoigne t-il. Le grand ayatollah Ali Sistani a demandé aux gens de se battre, et maintenant l’armée et les volontaires sont assez forts pour battre les jiahdistes. Nous contrôlons la situation, et ils ne réussiront pas à entrer dans Bagdad. »
Dans ce quartier à majorité chiite, les habitants se disent aussi rassurés par les informations, martelées par les médias proches du gouvernement, faisant état d’un assaut imminent de l’armée irakienne, sur la ville de Tikrit. C’est la preuve, disent-ils, que l’armée et les miliciens finiront par endiguer la rébellion sunnite, et que Bagdad restera épargnée par les combats.
Des exécutions commises par les forces gouvernementales
Des informations font état de l’attaque d’un convois de détenus au sud de Bagdad, un incident qui s’est soldé par la mort de plus de 60 prisonniers en début de semaine, selon plusieurs témoignages recueillis par l’agence Reuters, auprès de responsables locaux, les prisonniers auraient purement et simplement été exécutés par leurs gardiens.
Des exécutions extrajudiciaires de la part des forces gouvernementales auraient eu lieu également dans d’autres villes dans le nord du pays. Cette fois c’est Amnesty International qui lance ces accusations. Selon l’ONG, qui a recueilli des témoignages dans la ville de Tal Afar, de Mossoul et de Bakouba, des exécutions arbitraires de prisonniers et de miliciens auraient eu lieu au moment où les troupes loyalistes se retiraient de ces villes. Amnesty estime que ces exécutions, menées par les forces gouvernementales, l’ont été en représailles face à l’avancée de la rébellion, et sans doute face au crime perpétué cette fois par le camp adverse.