Avec notre correspondant, Alexandre Buccianti, et notre envoyé spécial, Nicolas Falez
Les bureaux ont effectivement ouvert ce lundi matin, à 7 h, heure du Caire. Et si des soldats en armes sont présents devant chacun des bureaux de vote, l’ambiance est extrêmement sereine. Et même, l’ambiance était festive devant l’un d’es bureaux de vote où se sont rendus les envoyés spéciaux de RFI, où un petit groupe de femmes chantaient, dansaient et lançaient des youyous en agitant le drapeau noir rouge et blanc de l’Egypte en lançant des slogans à la gloire du candidat de Sissi.
A l’intérieur des bureaux de vote, chacun reçoit un seul bulletin de vote, un seul. Sur le bulletin sont inscrits les noms et les portraits des deux candidats, ainsi que deux symboles : une étoile, pour Abdel Fattah al-Sissi, et un aigle, pour Hamdeen Sabbahi. Ces symboles, ces signes distinctifs, on les trouve aussi sur les affiches des candidats. Ils doivent aider les électeurs à faire leur choix, même si ceux-ci ne savent pas lire. Après avoir marqué d’une croix la case correspondant à leur candidat, les électeurs glissent leur bulletin dans l’urne, puis marquent deux de leurs doigts avec de l’encre rouge foncé. Il s’agit d’éviter les votes multiples.
Impossible, ce matin au Caire, de rencontrer un électeur ayant voté pour Hamdeen Sabbahi. Les Egyptiens et Eyptiennes rencontrés par les envoyés spéciaux de RFI avaient tous voté al-Sissi, n’hésitant pas à le qualifier de « sauveur » de l’Egypte, ou de « héros ». Si l’échantillon de ces quelques bureaux de vote n’est sans doute pas représentatif de la masse des 53 millions d’électeurs Egyptiens, le déséquilibre semble néanmoins assez marqué entre Sissi et son seul rival, le nassérien de gauche Hamdeen Sabbahi.
Une compétition inégale
Car c'est à un duel inégal que se livrent Abdel Fattah el-Sissi et son rival Hamdeen Sabbahi. Ce dernier, classé à gauche, est connu des Egyptiens puisqu'il était arrivé troisième lors de la précédente présidentielle en 2012 qui avait été remportée par l’islamiste Mohammed Morsi.
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Mais aujourd’hui, le paysage politique égyptien a radicalement changé et il est dominé par un homme qui se présente en sauveur de la nation et qui est attendu comme tel par une large partie de la population égyptienne. Cet homme providentiel, c’est Abdel Fatah al-Sissi, ancien militaire et ancien ministre de la Défense. Conservateur, homme à poigne, il a clairement défini et appliqué la mise hors-jeu des Frères musulmans depuis maintenant onze mois. Les deux candidats, d'ailleurs, tant Hamdeen Sabahi qu'Abdel Fattah al-Sissi, ont affirmé clairement qu'il n'y aurait pas de place dans la nouvelle République égyptienne pour la Confrérie. C'est pourquoi les Frères musulmans appellent au boycott du scrutin.
La participation, enjeu du scrutin
Sissi a fait campagne sans approcher les électeurs pour des raisons de sécurité. Ces derniers jours, il a appelé ses concitoyens à aller voter massivement. La participation doit dépasser les 25 millions d’électeurs qui avaient voté lors du deuxième tour de la présidentielle de 2012 opposant le Frère musulman Mohamed Morsi au dernier Premier ministre de Moubarak, le général Chafik.
La participation est un enjeu d'autant plus crucial que, outre les Frères musulmans, les formations progressistes qui estiment que le candidat al-Sissi s’apprête à enterrer les idéaux de la révolution de 2011, celles qui avaient chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak, appellent aussi au boycott du scrutin.
Pour mobiliser les électeurs, les médias publics, mais aussi toutes les télés privées opposées aux Frères musulmans n’ont pas lésiné sur les moyens. Spots publicitaires et chansons tube tournent en boucle pour inciter les Egyptiens à voter. Une participation destinée aussi « à faire taire les critiques occidentales et surtout américaines qualifiant la destitution du président Morsi de coup d’Etat », expliquent les éditorialistes. Certains d’entre eux étaient des opposants à Moubarak, mais tous sont des ennemis jurés des Frères musulmans.