Irak: «Il y a quinze jours j’ai failli mourir dans l’explosion d’une bombe»

Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki est à Washington, où il a rendez-vous ce vendredi 1er novembre avec le Président Barack Obama. Il sera question notamment de la fourniture d’armes américaines à l’Irak, au moment où le pays est de nouveau confronté à une vague de violences meurtrières.

Déjà 5 400 morts depuis le début de l’année en Irak, plus de 960 pour le seul mois d’octobre, ce qui en fait le mois le plus meurtrier depuis avril 2008. Dix ans après la chute de Saddam Hussein, les Irakiens décrivent une vie ponctuée par les attentats. « Nous vivons dans la peur mais on a fini par s’y habituer, explique Ahmed, un habitant de Bagdad joint par RFI. Il y a énormément de points de contrôle. Cela perturbe notre quotidien, ça crée d’immenses embouteillages. Les gens en ont marre surtout lorsqu’on sait que ces points de contrôle ne servent à rien puisque les attentats continuent. Personnellement j’en ai vécu plusieurs. Il y a à peine 15 jours j’ai failli mourir dans l’explosion d’une bombe. Dieu nous protège. »

Milices et groupes armés

Les auteurs de ces attentats qui ensanglantent l’Irak sont des membres de milices et des groupes radicaux, qui se revendiquent soit de minorité sunnite, soit de la majorité chiite arrivée au pouvoir en Irak après la chute de Saddam Hussein. « Certains viennent de Syrie, comme le soulèvement en Syrie déborde maintenant en Irak, beaucoup d’hommes armés passent la frontière », affirme Nassir Bellah, jeune diplômé en médecine qui travaille actuellement comme journaliste à Bagdad. Et le jeune homme continue d’énumérer : « Il y a aussi des militants d’al-Qaïda, qui lancent des attaques quotidiennes contre les forces de sécurité ou sur des lieux fréquentés. Il y a aussi des milices liées à des pays de la région, comme l’Iran elles jouent un rôle important dans les fusillades et les assassinats, particulièrement à Bagdad ».

Rechute

Pourquoi la violence est-elle de retour en Irak en 2013, après quelques années de relative accalmie ? Il y a d’abord le vide créé par le retrait des troupes américaines en 2011. Le soulèvement en Syrie voisine pèse également, ainsi les branches syrienne et irakienne d’al-Qaïda ont annoncé leur fusion cette année. Et puis surtout il y a une fracture politico-confessionnelle profonde en Irak, où le pouvoir chiite du Premier ministre irakien al-Maliki entretient des relations conflictuelles avec la minorité sunnite. Celle-ci est marginalisée exclue du pouvoir, ce qui alimente le rejet mutuel et la violence. Le tout se déroule sur fond de tension régionales entre les puissances sunnites (comme les monarchies du Golfe) et chiites (comme l’Iran).

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Al-Maliki à la Maison Blanche

C’est dans ce contexte, que le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki est en visite à Washington cette semaine, où il a appelé à une « Troisième guerre mondiale » contre le « virus » al-Qaïda. Le chef du gouvernement irakien demande des armes pour lutter contre les groupes armés. Une « urgence » selon le chercheur Hosham Dawod (CNRS), qui vit et travaille en Irak et, selon lequel, il est aussi important pour les Etats-Unis de montrer « qu’ils n’ont pas tout à fait échoué en Irak et qu’ils ont un allié à Bagdad ». Selon le chercheur, le Premier ministre irakien envoie aussi un message aux pays de la région « pour leur montrer qu’il est un allié de l’Occident et pas seulement de l’Iran ». Enfin, dans le cadre du rapprochement esquissé par Washington et Téhéran, Nouri al-Maliki peut essayer de jouer un rôle en faisant valoir ses bonnes relations avec les Américains comme avec les Iraniens.

Critiques américaines

Des voix s'élèvent aux Etats-Unis pour appeler Nouri al-Maliki à changer de politique, à partager le pouvoir avec les minorités kurdes et surtout sunnites en Irak. Aujourd'hui les sunnites sont marginalisés « ce qui jette nombre d'entre eux dans les bras d'al-Qaïda en Irak », écrivent plusieurs influents sénateurs américains dans une lettre adressée à Barack Obama. Les défenseurs des droits de l'Homme de Human Rights Watch rappellent de leur côté que l'Irak a exécuté 65 condamnés à mort pour le seul mois d'octobre, au nom de la lutte contre le terrorisme.

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