Article mis à jour régulièrement avec AFP, notre envoyé spécial et notre correspondant au Caire, Daniel Vallot et Alexandre Buccianti
L'affrontement a eu lieu, et les campeurs ne campent plus. Ce mercredi 5 décembre, les manifestants étaient encore plusieurs centaines devant l’entrée du palais présidentiel, au Caire. Certains avaient en effet passé la nuit sur place. Dans la matinée de mercredi, il y avait encore une vingtaine de tentes dressées de part et d’autre de l’avenue qui longe la présidence. Puis les pro-Morsi sont arrivés. Ils étaient plusieurs milliers.
L’attaque est soudaine, et particulièrement violente. Ce sont d’abord des pétards, puis des pierres et des gravats qui s’abattent sur les manifestants anti-Morsi. Aussitôt, c’est la panique. Puis la fuite devant l’assaut des militants islamistes et des baltagias, ces casseurs payés pour semer la terreur dans les manifestations.
Les partisans du président scandent : « Morsi est légitime », « le peuple veut nettoyer la place ». Certains sont armés de bâtons. D’autres ont des pierres. Et lorsqu’ils parviennent à isoler quelqu’un, homme ou femme, c’est une pluie de coups et d’insultes qui s’abat sur la victime.
Les anti-Morsi refluent dans les rues avoisinantes, certains d’entre eux cherchent à leur tour des gravats pour tenter de riposter. Les blessés, eux, sont dirigés vers les quelques ambulances présentes. A moins de 200 mètres de là, la police anti-émeutes déployée sur les lieux ne bouge pas.
En un rien de temps, le camp des islamistes reprend le contrôle des principaux accès du palais, en se déployant, après avoir arraché les tentes et saccagé les quelques affaires laissées par les manifestants de l'opposition.
Les anti-Morsi croisés dans l'après-midi par notre envoyé spécial au Caire se disent alors choqués par la violence déployée dans le camp d'en face. Mais ils veulent continuer le bras de fer.
Quant aux pro-Morsi, ils annoncent à ce moment qu'ils resteront dans les environs pour protéger le palais, ne pouvant pas se rendre place Tahrir, fief des opposants. Ils se disent dans leur bon droit, et déclarent vouloir protéger la démocratie.
En début de soirée, la tension remonte. Ce sont même plutôt des combats. Selon le dernier bilan du ministère de la Santé, le nombre de blessés au Caire avoisinerait les 200. Certains se trouveraient dans un état grave. Le Front du salut national, qui rassemble les courants de l'opposition, a annoncé qu'une jeune femme et un jeune homme qui campaient devant le palais ont été tués.
« Le sang qui a été versé et les deux martyrs tués aujourd’hui, c’est le président Morsi qui en est le responsable, estime Hussein Abdel Ghani, porte-parole du Front. Je le répète de manière très claire : le responsable du sang versé et de l’entraînement du pays vers une guerre civile est le président, sa confrérie et son parti. »
La télévision égyptienne a annoncé que des locaux du parti des Frères musulmans ont été incendiés dans le nord-est du pays.
Dans l'après-midi, le vice-président égyptien Mahmoud Mekki a annoncé, devant des journalistes réunis dans l'enceinte du palais, que l'organisation du référendum sur un projet de Constitution contesté était maintenue, « à la date prévue » (15 décembre). A titre personnel, il a proposé l'ouverture d'un dialogue, sans toutefois faire la moindre concession.
Le projet de Constitution est perçu par l'opposition comme une menace planant sur les droits fondamentaux, et comme une tentative d'appliquer plus strictement la loi islamique. L'oppositon réclame le report du référendum et l'abrogation des pouvoirs élargis que s'est arrogés Mohamed Morsi.
Dans la soirée de mercredi, quatre conseillers indépendants du président ont par ailleurs démissionné en signe de protestation. Depuis le 22 novembre, au début de la crise, c'est la première fois que les deux camps se font face directement.
En marge d'une réunion de l'Otan à Bruxelles, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a appelé au dialogue entre le président et l'opposition.