Avec nos envoyés spéciaux et notre correspondant au Caire, Daniel Vallot, Bertrand Eclair et Alexandre Buccianti
Les barbelés dressés par la police pour empêcher les cortèges de manifestants de se rendre devant le palais présidentiel n’ont pas résisté un quart d’heure, face à la pression de milliers de personnes. Après de brefs accrochages avec les manifestants, les forces de l’ordre ont effectué une retraite précipitée sous le couvert d’un barrage de grenades lacrymogènes en début de soirée.
Des dizaines de policiers ont d'abord été encerclés. Puis les forces de police qui gardaient les abords du palais se sont repliés vers une place située un kilomètre plus loin. Plusieurs mouvements révolutionnaires ont annoncé qu’ils comptaient passer la nuit devant le palais présidentiel. Des tentes auraient été envoyées de la place Tahrir.
Face aux opposants, qui se sont mis à assiéger pratiquement tous les abords du palais présidentiel, Mohamed Morsi a quitté les lieux par une porte dérobée. Des participants ont même grimpé sur les murs de la présidence désertée. Ce mardi soir, Washington a exhorté les opposants à s'exprimer pacifiquement.
« Morsi, dégage ! »
Les opposants avaient prévenu le pouvoir, à l'instar de Ragab al-Feizir, vice-secrétaire général du Parti libéral (opposition), croisé peu avant la manifestation place Tahrir.
Au palais présidentiel, ils sont arrivés de cinq endroits différents, portant des drapeaux égyptiens et des pancartes hostiles au projet de Constitution défendu par le président. Mohamed Morsi et les Frères musulmans ont été la cible majeure de tous les slogans.
« Morsi, dégage ! », chantaient les participants, en référence au fameux slogan qui avait accompagné, en 2011, la chute du Tunisien Zine el-Abidine Ben Ali puis celle de son homologue égyptien Hosni Moubarak.
Outre la place Tahrir, toujours occupée, un nouveau front s’est ouvert mardi soir, avec des centaines de manifestants massés devant le siège de la radio de télévision étatique. Ils réclament le départ du ministre de l’Information issu des Frères musulmans, qu’ils accusent de parti pris.
Au-delà des évènements de Tahrir et de la plupart des villes d’Egypte, l’opposition semble de plus en plus déterminée à faire tomber le décret présidentiel et le projet de Constitution. La fronde des magistrats risque de jouer un rôle déterminant. Le Club des magistrats et du Conseil d’Etat ont annoncé (ou réitéré) qu’ils ne superviseront pas le référendum.
Le soutien du peuple
Selon un sondage partiel effectué par le Conseil suprême de la magistrature, près de 90% des juges et procureurs ont décidé le boycott. Or, selon la Constitution intérimaire votée par référendum, tout scrutin doit être supervisé par les magistrats pour être validé.
Depuis la semaine dernière, les opposants au président égyptien revendiquaient seulement l’abrogation du décret constitutionnel. Ils demandent donc désormais le départ de Mohamed Morsi.
Le Front du salut national (opposition) a rédigé un communiqué, qui affirme que la légitimité du président Morsi est en jeu. Il exige que le décret présidentiel soit abrogé, que le référendum sur la Constitution soit annulé, qu'une nouvelle Assemblée constituante soit formée, et qu’un dialogue national soit ouvert. Dans le cas contraire, l’opposition reprendra son action vendredi.
De son côté, Khayrat el-Chater, adjoint du guide suprême des Frères musulmans - et éminence grise de la confrérie -, a convoqué une réunion avec les diverses forces islamistes pour examiner la conjoncture actuelle, notamment les manifestations devant le palais présidentiel.
Ce lundi, le président égyptien était pourtant ressorti renforcé de la décision d’une partie de la hiérarchie judiciaire d’accepter la supervision du référendum du 15 décembre prochain. Mais ce mardi soir, avec cette mobilisation massive, l’opposition a réussi à démontrer qu’elle conservait le soutien d’une grande partie de la population égyptienne.