Egypte: le combat titanesque entre Superman et l’Incroyable Hulk!

Quand le président Mohamed Morsi a tombé son costume pour révéler par décret qu’il était en réalité Superman, cela a mis ses opposants dans une telle colère qu’ils se sont transformés en Incroyable Hulk.

Comme Superman, le président Morsi s’est octroyé une force extraordinaire : celle d’adopter les mesures qu’il jugeait nécessaires contre tous ceux qu’il considérait comme une menace pour la nation et la révolution. Les décisions de Morsi sont aussi blindées contre toute attaque en justice. L’opposition jusque-là dispersée a décidé de s’unir pour former un super-héros capable de faire face aux super-pouvoirs du président. Hulk ou le Front du salut national.

Les troupes de choc sur le terrain

Il est composé d’éléments incompatibles sans le décret catalyseur. Il y a d’abord les troupes de choc sur le terrain de toutes les manifestations : les gauchistes révolutionnaires et les ultras qui, de supporters des clubs de football, se sont transformés en combattants de la révolution. Ce sont eux qui sont en première ligne contre la police ou, comme cela commence à être le cas, contre les brigades islamistes.

Il y a aussi la gauche traditionnelle, qui connait une renaissance notamment chez les nassériens. Les militants ne se gargarisent plus de discours incompréhensibles pour la majorité des Egyptiens. Ils font du social dans les quartiers populaires et défavorisés et du syndical dans les milieux ouvriers et paysans. Ils ont un champion : Hamdin Sabbahi, le candidat qui, malgré des moyens limités, est arrivé troisième aux élections présidentielles.

Le centre rassemble des forces plus traditionnelles comme les grands administrateurs, les intellectuels, les artistes, les professeurs d’université et les fonctionnaires. Leur chef de file est Mohamed el-Baradei, prix Nobel de la paix, ancien directeur de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) et opposant de la première heure à Moubarak.

Il y a aussi les libéraux qui rassemblent beaucoup d’hommes d’affaires, d’entrepreneurs, de bourgeois et d’intellectuels. Contrairement à un mythe, ils sont beaucoup moins riches que les Frères musulmans et les salafistes subventionnés par le Qatar et l’Arabie saoudite.

Il faut rajouter au Front les neuf millions de chrétiens préoccupés par la montée du pouvoir politique et social des islamistes. Une préoccupation justifiée par les multiples agressions, expropriations et même expulsions dont ils font l’objet depuis plus d’un an.

Il ne faut pas non plus oublier les femmes. Des femmes confrontées à une montée en puissance d’un conservatisme sexiste basé sur la religion. Le projet de Constitution rédigé par les islamistes omet par exemple de mentionner « l’égalité homme-femme » alors qu’il soutient « les valeurs traditionnelles et religieuses de la famille ».

Ceux qu'on n'attendait pas

Il y a enfin ceux que l’on n’attendait pas : les magistrats. Traditionnellement allergiques dans leur majorité à la politique, ils ont le sentiment que le décret Morsi leur a volé ce qu’ils avaient de plus cher : l’indépendance. Une indépendance qu’ils étaient parvenus à maintenir vaille que vaille sous les régimes autoritaires des présidents Nasser, Sadate et Moubarak.

Les membres de la Haute cour constitutionnelle comme ceux du Conseil d’Etat étaient considérés comme l’ultime barrière contre la dictature. Aujourd’hui, ils sont le fer de lance de l’opposition. L’écrasante majorité d’entre eux a décidé de ne pas superviser le référendum sur la Constitution malgré une prime alléchante de 3 000 euros. Or, cette supervision des magistrats est rendue obligatoire dans le moindre bureau de vote par la Constitution intérimaire adoptée par référendum en mars 2011.

Mais le Front reste fragile. Il suffirait de supprimer les causes de sa colère, décret et projet de Constitution, pour que l’Incroyable Hulk retrouve son aspect d’origine. Mais plus le temps passera sans que le président ne fasse de concessions, et plus le Front de salut national gagnera en cohérence.

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