« A ce jour deux ou trois usines de productions d’armes chimiques ont été identifiées en Syrie », assure Jean Pascal Zanders, responsable pour le désarmement et la non prolifération, à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (IES-UE), « mais on ignore si elles sont toujours opérationnelles », ajoute ce spécialiste des armes chimiques. La production et le stockage d’armes chimiques reste un secret bien gardé en Syrie. Les dépôts de l’armée dans lesquels sont entreposés ses armes de destructions massives (ADM) seraient les mieux surveillés du pays. « Damas considère les armes chimiques comme des armes stratégiques, dans le cadre d’un menace dite existentielle, comparable à la doctrine nucléaire en Israël, c’est-à-dire uniquement si le pays est directement menacé ». Contrairement à l’Irak et l’Iran, la Syrie n’a jamais utilisé d’armes de destructions massives au combat.
Surveillance satellitaire
Si l’armée syrienne protège ses dépôts stratégiques, les Occidentaux aussi gardent un œil sur les sites de stockage d’armes chimiques. Durant l’opération de l’Otan en Libye en 2011, un site de stockage susceptible d’abriter des ADM avait été repéré dans le désert, à 600 kilomètres de la zone des combats, et a été constamment surveillé par les satellites et les systèmes de reconnaissances de la coalition. Il en est de même aujourd’hui au dessus de la Syrie, certaines sources parlent même de forces spéciales américaines déployées aux abords des dépôts sur le territoire syrien. Le risque le plus grand est bien sûr que certaines de ces armes tombent aux mains de groupes terroristes, si le régime syrien venait à être renversé. « La manipulation et le remplissage de ces armes restent toutefois une affaire de spécialistes », tempère Jean Pascal Zanders.
Interrogations
Il y a bien eu dès les années 1970, un programme d’armes chimiques en Syrie, mais l’aventure américaine de 2003 - lorsque les Etats-Unis avaient justifié leur intervention en Irak en assurant que Bagdad menaçait l’ Amérique avec des armes de destructions massives, alors qu’il n’en était rien - est encore dans toutes les mémoires. Il convient donc d’être prudent. Les experts rappellent qu’en principe, les stocks d’armes chimiques doivent être régulièrement renouvelés car les substances chimiques s’altèrent avec le temps, donc rien ne prouve que ces armes tant redoutées ne soient pas périmées.
« C’est une équation complexe, la conservation des produits dépend de la pureté de l’agent chimique utilisé à l’origine, de la température des silos de stockage qui doit être relativement basse, et de la capacité et de la méthode de production », souligne l’ancien chef du programme désarmement NRBC du SIPRI (Institut international de recherche pour la paix de Stockholm), Jean Pascal Zanders.
Armes terrifiantes
Le nombre de têtes chimiques déjà montées est difficile à évaluer. Des chiffres invérifiables circulent sur internet et dans la presse, les chiffres de 100 à 200 têtes sont avancés. Les armes peuvent être assemblées sur des missiles sol-sol Scud dont la portée peut atteindre 600 kilomètres, mais aussi des bombes, des obus d'artillerie ou des roquettes. Les armes chimiques ne sont pas conçues pour être utilisées dans le cadre d'une guerre urbaine. Une certaine concentration de gaz est nécessaire, pour obtenir des effets.
Les experts notent d'ailleurs « que le gaz sarin s'évapore extrêmement vite au soleil en plein été, alors que les gaz VX, également en possession des Syriens, sont plus persistants et peuvent empêcher la progression d'un ennemi en terrain découvert ». L'armée syrienne possèderait des stocks de ces deux neurotoxiques très puissants : une goutte sur la peau suffit à tuer en quelques minutes. Moins nocif, le gaz moutarde qui a fait son apparition durant la Première Guerre mondiale provoque des brûlures importantes des voies respiratoires.