Avec notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti
La principale conclusion à tirer de la visite d’Hillary Clinton est que les alliances se sont renversées. Les adversaires de Washington sont aujourd’hui les forces libérales, laïques et chrétiennes qui ont manifesté contre ce qu’elles qualifient de « collusion entre Américains et Frères musulmans ». Des forces qui soutiennent les militaires dans leur bras de fer avec les islamistes. La secrétaire d’Etat américaine a pour sa part déclaré : « Nous soutenons une pleine transition vers un pouvoir civil ».
C’est une référence au fait que le Conseil militaire détient le pouvoir législatif depuis que la Cour constitutionnelle a invalidé l’Assemblée élue, une Assemblée dominée par les islamistes et que le président Mohamed Morsi cherche à restaurer.
Dimanche, Hillary Clinton s’est entretenue avec le maréchal Tantaoui, chef du Conseil militaire, « de la transition politique et du dialogue avec le président Morsi ». Son discours n’a visiblement pas plu au maréchal, qui a annoncé lors de la cérémonie de passation de commandement de la Deuxième armée, que l'armé justement « ne permettrait pas qu’une seule faction domine l’Egypte et ne tolèrerait plus les attaques de ceux qui sont poussés par l’étranger ».
Une mise en garde adressée par le chef du Conseil suprême des forces armées aux Frères musulmans, mais un message aussi à l’administration américaine, avec laquelle l’armée était déjà entrée en conflit lors de l’affaire des poursuites lancées l’année dernière contre des ONG américaines.
A l’époque, les militaires avaient comme aujourd’hui joué la carte nationaliste. Soutenus par les islamistes, ils avaient déclaré pouvoir facilement se passer de l’aide militaire américaine. Une aide qui se monte annuellement à 1,3 milliard de dollars. Aujourd’hui, l’armée a le soutien des libéraux, des laïcs et des chrétiens. L’Eglise copte et la plupart des personnalités chrétiennes ont refusé de rencontrer la secrétaire d’Etat américaine lors de sa visite.