Avec notre envoyé spécial à Damas, Paul Khalifeh
L’impression qui se dégage est que plusieurs sociétés évoluent d’une manière parallèle en Syrie à tel point que lorsqu’on se déplace entre la capitale et ses banlieues, on se demande si on est toujours dans le même pays.
Damas est une ville animée qui vaque à ses occupations. Mais si l’on fait dix kilomètres vers le nord ou vers l’est, la tension devient palpable et l’ambiance pesante. On note dans le regard des gens un mélange d’inquiétude, de colère, de détermination.
Il est clair que le mouvement de contestation ne faiblit pas malgré la répression et en dépit des réformes promises ou entamées par le régime. Mais en même temps, il n’est toujours pas parvenu à se transformer en vaste mouvement populaire d’ampleur nationale.
Les quartiers et régions où les minorités religieuses sont fortement présentes se tiennent sans conteste à l’égard de la contestation, même chose pour les deux grandes villes du pays, Damas et Alep, c’est-à-dire la bourgeoisie urbaine notamment sunnite. En revanche, le mouvement semble solidement ancré dans les zones sunnites rurales et dans les villes conservatrices comme Hama.
Une population très divisée
La société syrienne semble divisée en quatre grands blocs. Il y a ceux qui pensent qu’une occasion historique se présente pour faire tomber le régime. Ils refusent tout dialogue et appellent à une intervention étrangère, turque ou occidentale. Il y a aussi les inconditionnels du régime. Ceux-là défendront la répression et en réclameront davantage.
Puis il y a ceux qui craignent le chaos ou un scénario à l’irakienne. Ils sont partisans d’une réforme progressive sous l’égide de Bachar el-Assad. Il y a enfin les indécis, ceux qui n’ont pas choisi leur camp. Mais vu la polarisation actuelle, leur nombre diminue tous les jours.
Le danger est réel de voir une radicalisation des jusqu’au-boutistes : d’un côté ceux qui veulent plus de répression et de l’autre ceux qui refusent le dialogue avec le régime. Une partie des opposants pourrait être tentée par le recours aux armes et le risque d’une dérive vers un affrontement confessionnel, notamment entre sunnites et alaouites, serait alors grand.