Depuis le 15 mars, date de la première manifestation contre le régime de Damas, l’opposition se cherche, autant qu’elle cherche à gagner du crédit sur la scène internationale en donnant une image d’unité. La « Conférence de salut national » qui s’est tenue à Istanbul, en Turquie, au lendemain d’une démonstration monstre des Syriens dans les grandes villes du pays, fait déjà figure de nouveau moment charnière dans l’évolution du soulèvement populaire syrien. A l’issue de celle-ci, des compromis ont été trouvés, notamment sur le refus de toute intervention militaire extérieure, et des pistes d'action évoquées - comme celle de la désobéissance civile - même si aucune feuille de route n’a encore été rédigée. Il s’agissait principalement de mettre en place une coordination entre l’action intérieure et la représentation extérieure.
Cette coordination devait, dans les faits, déjà se faire jour ce samedi : si près de 400 opposants en exil s’étaient donnés rendez-vous dans la banlieue de la capitale turque, un rassemblement similaire était prévu à Damas, au même moment. Mais la brutale répression des manifestations de la veille – entre 19 et 28 morts recensés par les militants des droits de l’homme - a dissuadé les organisateurs.
Quatre mois pour se structurer
La faiblesse – sur un plan organisationnel – de l’opposition syrienne est son hétérogénéité. Des partis anciennement ancrés dans le paysage politique aux intellectuels des centres de réflexion à l’étranger, en passant par les mouvements de jeunes, il n’était pas facile, dans les premières semaines du soulèvement, d’évaluer avec clarté le rapport de force entre le régime de Bachar el-Assad et une contestation sans véritable visage.
Depuis la fin du mois d’avril, néanmoins, un effort pour rassembler, puis structurer l’opposition s’est opéré. Le 29 avril, « l’Initiative nationale pour le changement », rassemblant 150 opposants, publiait un communiqué faisant part des premières revendications acceptées par tous : modification de la Constitution, indépendance du système judiciaire, levée de l’état d’urgence, liberté pour la presse, fin des pratiques discriminantes notamment à l’endroit des Kurdes, transition du pouvoir assurée par l’armée.
A la suite de la réunion du 27 juin à Damas, l’opposition a fait un pas de plus en fondant un « Comité national pour le changement démocratique », rassemblant un large spectre de représentants de la vie politique et intellectuelle syrienne, comprenant notamment le Parti communiste syrien et une dizaines de partis kurdes. Si les organisateurs de la conférence de ce 16 juillet la qualifie volontiers de « franc succès », certains acteurs de la contestation ont néanmoins décliné l’invitation, tel Haitham Manna, porte-parole de la Commission arabe des droits de l'homme, regrettant une « précipitation » dans la structuration d'une opposition audible.
En quête d’un héraut
Depuis le début des événements en Syrie, plusieurs noms d’opposants sont revenus régulièrement dans les médias occidentaux et sur la scène diplomatique, faisant figures de potentiels hérauts de la cause démocratique syrienne. Souvent cité par la presse étrangère comme une source d’information non gouvernementale fiable, Rami Abdel Rahman, militant d’une quarantaine d’années, et son Observatoire syrien des droits de l’homme basé à Londres, livre régulièrement les « bilans humains » de la répression.
Sur le terrain diplomatique, c’est le chercheur Radwan Ziadeh, fondateur du Centre de Damas pour les études sur les droits de l’homme, qui s’affaire. Invité récurrent de prestigieuses universités à travers le monde pour son expertise sur les questions régionales, il a dirigé la délégation de l’opposition qui s’est rendue à Moscou, à la fin du mois de juin, afin de convaincre le Kremlin de faire pression sur son allié syrien.
Enfin, à 80 ans, Haitham al-Maleh, ancien juge condamné en 2010 à trois ans de prison, puis libéré en mars dernier, avait proposé, il y a une semaine, de mettre sur pied un « gouvernement fantôme » constitué de représentants régionaux. Si l’idée n’a pas été retenue, il demeure une personnalité éminemment respectée et l'un des organisateurs, aussi, de cette « Conférence de salut national ».