De notre correspondant à Vienne
Le cabinet de Michael Spindelegger, ministre autrichien chrétien-démocrate des Affaires étrangères, affirme que la visite officielle a été organisée en coopération avec Bruxelles et Washington. Les sanctions visant Ali Akbar Salehi – qui joue un rôle de premier plan dans le programme nucléaire de l’Iran – ont dû être levées suite à sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères en janvier dernier.
L’Autriche, pays neutre, affirme également que ses bonnes relations avec l’Iran permettront d’évoquer la question des droits de l’homme. Une première rencontre entre M. Salehi et Yukiya Amano, le directeur de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), basée à Vienne, est également envisagée.
Du côté des Occidentaux, on a l’impression d’être mis devant le fait accompli. Et on voit d’un très mauvais œil ce nouveau rôle d’entremetteuse que souhaite jouer l’Autriche entre l’Iran et les grandes puissances nucléaires. Paris, Londres et Washington ont conjointement fait pression pour que Vienne renonce à accueillir le chef de la diplomatie iranienne. En vain.
Ses partenaires de l’Union européenne reprochent à l’Autriche de faire cavalier seul. Michael Spindelegger saperait par ses « initiatives dangereuses » les efforts franco-américains pour isoler l’Iran. « Cette visite n’a qu’un seul but », explique un diplomate d’un grand pays européen en poste à Vienne, interrogé par RFI, « faire exister l’Autriche et son ministre sur la scène internationale. Or, dérouler le tapis rouge au numéro deux d’un régime sanguinaire, c’est servir une propagande bien rodée. »
Face à l’Iran, les Français et les Américains exigent de leurs partenaires qu’ils adoptent une politique stricte d’isolement. Selon eux, depuis neuf ans, la République islamique est devenue maître dans l’art de négocier éternellement… sans rien céder. Déjà en 2010, une médiation menée par le Brésil et la Turquie faisait grincer des dents à l’AIEA et avait été dénoncée par la Maison Blanche.
Depuis, l’initiative a fait long feu. « Tout va très vite actuellement, et certains pays pensent qu’ils ont une carte à jouer », analyse ce diplomate. « Les ambitions passent devant le souci de sécurité, on est sur une mauvaise pente. » La France et les États-Unis doutent que la petite Autriche réussisse là où tout le monde échoue.
En 2010, il avait fallu faire pression pour qu’elle se positionne en faveur des sanctions européennes contre l’Iran. A quatre heures d’avion en vol direct, le régime des mollahs est son premier partenaire commercial au Moyen-Orient. Entre Vienne et Téhéran, les relations diplomatiques ont toujours été au beau fixe.
Même lors de la prise d'otages de l'ambassade américaine à Téhéran, en 1979, l'Autriche n'a pas rompu les liens. Depuis la chute du shah, l'Institut culturel autrichien de la capitale iranienne (ÖFK) est le seul centre occidental à n'avoir jamais fermé.
L'Autriche fut le premier pays d'Europe à dérouler le tapis rouge pour une nation que Washington accusait de soutenir le terrorisme, en invitant le président Mohammad Khatami à une visite officielle, en 2002. Trois ans plus tôt, son homologue Thomas Klestil avait été le premier chef d'Etat occidental accueilli après la Révolution.
Concernant le projet en cours du gazoduc Nabucco, c'est OMV, le géant pétrolier viennois, qui pilote les négociations entre les Européens et les Iraniens. Vital sur un plan stratégique, ce gazoduc doit permettre l'acheminement du gaz iranien jusqu'à l'Europe centrale, afin de rendre la région moins dépendante de la Russie.
Dans un monde globalisé, où ses liens privilégiés et stables avec des pays aux structures internes complexes (Syrie, Libye, Russie, Asie centrale), impressionnent et peuvent servir, l’Autriche est « très à l'aise », selon l’expression d’un ambassadeur. Les Autrichiens n’entendent pas limiter leurs initiatives à l’Iran. « Nous sommes amis avec tout le monde », résumait récemment un responsable des services autrichiens de renseignement. « Cette amitié est appréciée par tout monde ».