Cent jours après les révoltes en Irak, Nouri al-Maliki défend son gouvernement

Cela fait 100 jours que le gouvernement irakien s'était engagé à mettre en œuvre des promesses pour améliorer la situation de la population. Le Premier ministre Nouri al-Maliki avait promis qu'au terme de ces 100 jours ses ministres devraient prouver leurs efforts pour faire avancer leurs dossiers. Fin février, l'Irak avait connu ses plus grandes manifestations de colère contre l'inefficacité du gouvernement, le manque de services publics, le chômage et la corruption. Mais ce lundi, Nouri al-Maliki dans un discours à la télévision s’est montré clément avec les membres de son gouvernement. Et il n’a rien annoncé concernant le retrait des forces américaines prévu fin 2011, alors que se multiplient les attentats.

Colère de la population

Huit ans après l'invasion américaine qui a renversé le régime de Saddam Hussein, la colère enfle. Les pénuries d'eau, d'électricité, de vivres, la corruption et le chômage minent le quotidien des Irakiens, malgré les richesses du sous-sol en pétrole : la population exige du gouvernement plus que des promesses. Celui-ci avait d'ailleurs multiplié les annonces et les inaugurations de chantiers de construction de logement et de routes. Le 25 février dernier, des milliers d’Irakiens en colère étaient descendus dans les rues, inspirés par les révolutions en Tunisie, en Egypte et dans le monde arabe, en fustigeant l’incompétence des politiques. L’Irak est classé parmi les pays les plus corrompus au monde. Ces manifestations (les plus importantes depuis les émeutes dues aux coupures d’électricité en juin 2010) ont causé la mort de 18 personnes, le Premier ministre avait accusé des baasistes pro-Saddam Hussein et d’al-Qaïda d’être à l’origine de ces rassemblements. Il a ensuite demandé une enquête sur la mort des manifestants. Ce mercredi, il doit s’exprimer sur son bilan devant le Parlement.

Encore des promesses

Le Premier ministre devra présenter un bilan concret au terme de ces 100 jours, la population ne veut plus attendre de fausses promesses. Deux jours après les grandes manifestations, le 27 février, Nouri al-Maliki avait promis que les membres de son gouvernement tout juste nommés fin décembre devraient rendre des comptes.
Or, d’après le discours qu’il a livré sur la chaîne publique Iraqiya lundi, il semble que le Premier ministre ne limogera aucun de ses ministres. « Le projet des 100 jours a permis de lancer des initiatives pour répondre à des problèmes à court terme», a-t-il déclaré. Selon lui, il est trop tôt pour dresser un bilan. En outre, Nouri al-Maliki a tenté de rassurer en disant qu'à compter de ce mardi, ses ministres devront expliquer ce qu'ils ont accompli lors de réunions qui seront retransmises à la télévision. Mais le pouvoir d’achat a continué à s’effriter depuis le mois de mars, des appels à manifester ce vendredi circulent déjà sur les réseaux sociaux.

Regain de violence

La colère de la population et les promesses brandies par le gouvernement s’inscrivent dans un contexte de violence accrue. Les assassinats ciblés se sont multipliés ces derniers mois, notamment des officiers, avec des chiffres importants pour les dernières semaines.
Des attaques ont aussi causé la mort de nombreux policiers, notamment de 20 soldats irakiens et cinq Américains lundi (considérée comme la journée la plus meurtrière pour l’armée américaine depuis 2009).
La population a peur que l’Irak ne revienne à la violence des années 2006 et 2007. Les élections législatives avaient eu lieu le 7 mars 2010, et ce n’est qu’en décembre que le Parlement irakien a approuvé la composition du gouvernement. Or, cette composition multiethnique est fragile, basée sur un partage du pouvoir que beaucoup reprochent à Nouri al-Maliki de ne pas avoir tenu.

Vers un possible report du retrait des forces américaines ?

En revanche, Nouri al-Maliki n'a rien annoncé concernant le retrait des forces américaines fin 2011, qui pourrait être reporté (Washington compte encore 45 000 militaires en Irak). Le président Obama s’était engagé lors de sa campagne à retirer ses troupes, et le retrait fin décembre fait l’objet d’un accord bilatéral entre les deux pays. Mais les insurgés redoutent que les Américains n’en aient pas l’intention. Le but des attaques menées par des groupes insurgés serait donc de faire partir les militaires Américains en misant sur l’effet psychologique du nombre de soldats tués, un argument électoral qui peut jouer alors qu’Obama espère être réélu en novembre 2012. Mais ces attaques sont à double tranchant car elles mettent aussi en évidence la difficulté de l’armée irakienne à assurer la sécurité.
Selon un expert irakien, les familles qui le peuvent attendent avec impatience la fin de l’année scolaire pour quitter le pays avec leurs enfants et s’éloigner de ces attaques.
L’augmentation de la fréquence et de la violence de ces attaques fait peur aux Irakiens qui redoutent un scénario meurtrier comme en 2006 et 2007.

Vendredi sera sans doute une journée décisive pour le gouvernement : il va devoir faire face à la colère de la population qui ne veut plus pâtir des querelles entre les blocs politiques et de la violence.

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