Saleh à peine parti à bord d'un avion médical saoudien avec une trentaine de proches, les jeunes contestataires ont déjà fêté la « chute du régime » à Sanaa. Ali Abdallah Saleh aura du mal à combler le vide qu'il laisse à la tête de l'Etat. Lui-même attend d'être opéré à Ryad. Son gouvernement et le Parlement sont décapités.
Au moins six hauts responsables - et parmi eux le Premier ministre, deux vice-Premier ministres et le président du Parlement - se trouvent actuellement dans des hôpitaux saoudiens. Le risque de voir le pays plonger dans la guerre civile avec de nouveaux combats entre forces loyalistes et milices tribales reste fort. L'Arabie saoudite, le puissant voisin, redoute cette instabilité à sa frontière et tente de préparer la transition.
Benjamin Wiacek est le rédacteur en chef de La Voix du Yémen, un site d’information en français sur l’actualité au Yémen. Il répond aux questions de RFI sur les derniers développements de la crise yéménite.
RFI : Connaît-on réellement l’état de santé du président car les sources divergent fortement sur cette question ?
Benjamin Wiacek : Effectivement, c’est un sujet qui fait polémique au Yémen, et il est difficile d’avoir des sources indépendantes afin de connaître avec certitude son état de santé. La télévision d’Etat affirme que l’état de santé du président est très bon, qu’il est en bonne santé, qu’il souffre de blessures superficielles, et confirme notamment qu’il est parti en Arabie saoudite pour se faire soigner.
A l’inverse, des sources à la BBC affirment qu’il souffrait d’un éclat d’obus près du cœur, dans la poitrine, de brûlures au second degré sur le visage, ainsi que d'un autre éclat derrière la tête. Ce qui semblerait être un état beaucoup plus grave et qui pourrait expliquer que le président, au cœur d’une situation très critique ces jours-ci, ait été obligé de quitter le pays pour aller se faire soigner en Arabie saoudite.
RFI : Concernant les scenarii à venir, le président yéménite va-t-il rentrer à Sanaa ou bien pourrait-il rester en exil de longue durée en Arabie saoudite ?
Benjamin Wiacek : Le président est en effet parti, c’est le vice-président Abd-Rabbo Mansour Hadi qui assure l’intérim du pouvoir. La Constitution prévoit soixante jours pour l’intérim. Si le président Saleh ne revient pas d’ici soixante jours, une nouvelle élection présidentielle sera organisée au Yémen.
La grande question du jour est de savoir quels sont les membres de la famille du président Saleh qui l’ont suivi en Arabie saoudite. En effet, son fils qui tient les gardes républicains et trois de ses neveux qui tiennent respectivement la sécurité centrale, la sécurité d’Etat, ainsi que les forces spéciales, tiennent l’appareil militaire et sécuritaire du pays. Si ces membres de sa famille sont toujours présents au Yémen, il est possible que le régime tienne, et puisse tenir jusqu’à ce que le président revienne.
En revanche, on peut espérer également de la part de l’Arabie saoudite, qui tentait de faire signer au président Saleh le plan de transition pour qu’il quitte le pouvoir, qu'elle le garde au Yémen afin de préparer une transition plus simple du pouvoir.