Les informations passent difficilement, des militants des droits de l'homme en exil arrivent péniblement à contacter des proches, par Skype, par téléphone satellite ou du côté de Deraa proche de la frontière jordanienne grâce au réseau jordanien de téléphonie mobile. On apprend d'ailleurs que les autorités syriennes viennent de fermer tous les postes frontière entre les deux pays.
La ville de Deraa est pratiquement coupée du monde depuis 4 heures du matin, heure locale. L'électricité, l'eau et les lignes téléphoniques ont été coupées alors que les premiers blindés et les premiers chars entraient dans la ville à l'aube.
Les témoins parlent de tirs d'artillerie lourde, de bombardement, de snipers positionnés sur les toits. De blessés et de morts aussi qu'il serait pour l'instant impossible de dénombrer et de récupérer dans les rues. Selon un militant, il y aurait au moins cinq morts qui étaient dans une voiture criblée de tirs. Un couvre-feu a été imposé. Les forces de sécurité ont établi des barrages à la sortie des villes, pour empêcher la circulation et l'information entre les villes.
Les gens restent terrés chez eux, terrifiés, alors que juste de l'autre côté de la frontière, en Jordanie, des appels pour faire des dons de sang ont été lancé. Y-a t-il eu un massacre comme s'inquiète déjà certains syriens en exil dans cette ville qui était à l'épicentre du mouvement de révolte ?
Un témoin contacté par RFI confirme que des bruits de tirs pouvaient s'entendre dans le nord-ouest de la ville et que des hommes vêtus d'uniforme militaire étaient à bord de véhicules. A quelle unité appartiennent ces hommes en treillis ? Font-ils partie de la police militaire ? S'agit-il de la garde prétorienne, du 4e bataillon d'infanterie, dirigé par le frère du président Bachar el-Assad ?
Le témoin n'a pas été en mesure d'identifier avec certitude ces hommes armés qui sont en train de prendre tout le contrôle de la ville de Deraa. Deraa, qui était à l'épicentre du mouvement de contestation. C'est de cette ville du Sud de la Syrie qu'était partie la contestation. Pour avoir écrit sur des murs le slogan « le peuple veut faire tomber le régime » une quinzaine d'adolescents de la ville subiront des sévices et seront torturés par les forces de sécurité syrienne.
Et c'est pour protester contre leur arrestation et le traitement de ces adolescents que les habitants de Deraa, qui avaient déjà accumulé les griefs contre le régime, commenceront à descendre massivement dans les rues. C'était à la mi-mars. Un mois et dix jours après le début de la contestation en Syrie, le pouvoir a symboliquement choisi Deraa pour commencer à mater, avec les forces armées, un mouvement de protestation sans précédent.