Yémen: les négociations se poursuivent sur fond de manifestations

Des dizaines de milliers de protestataires ont manifesté dimanche 17 avril 2011 dans plusieurs villes du Yémen pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh. Dans les rues de Sanaa, les forces de sécurité ont tenté de disperser quelques centaines de manifestants qui opéraient une marche pacifique, au moins une dizaine de personnes ont été blessées. La manifestation de Sanaa coïncide avec une rencontre prévue en début de soirée à Riyad, en Arabie Saoudite, entre les ministres des Affaires étrangères du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et une délégation de l'opposition yéménite à propos d'un plan de sortie de crise.

Avec notre correspondante à Sanaa, Charlotte Velut

Véhicules anti-émeute et officiers armés de bâton, deux dispositifs si présents à Sanaa qu’on oublierait presque leur utilité. Pourtant aux alentours de 17h30 dimanche, ces moyens militaires ont pris du service.

Face à eux, une dizaine de milliers de manifestants sortis de leur campement installé devant l’université de Sanaa. D’après des témoins, les protestataires criaient « pacifique, pacifique » quand les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles et ont utilisé des gaz lacrymogènes.

Rassemblement anti-régime, cette fois sans brutalités, également dans les gouvernorats de Ibb, Aden et Hodeida au sud et à l’est de la capitale. Au total, près d’une centaine de milliers de personnes étaient mobilisées à travers le pays.

Dans les airs, au côté du désormais célèbre « le peuple veut la chute du régime », un nouveau slogan : « le peuple veut le jugement du bourreau ».

Apparition aussi d’avantage de voix féminines. Une réaction au discours d’Ali Abdallah Saleh de vendredi dernier dans lequel il appelait à interdire la mixité dans les rassemblements de jeunes.

La politique du « oui-non »

Depuis quelques semaines, la politique yéménite semble avoir contracté un drôle de syndrome : le oui-non. Un oui du chef de l’Etat entrainant un non de l’opposition, et vice versa. D’après Abdul Ghani Al-Iryani, l’un des analystes politiques les plus écoutés du Yémen, cette situation montre que l’on est en phase de négociation.

« Il ne reste plus qu’à s’accorder sur les détails mais à présent nous comprenons les exigences de chaque parti. Puisque le président a le doigt sur la gâchette et dispose encore de la force militaire, il doit faire partie des négociations, on ne peut pas l’ignorer. Il va nous dire comment il va partir, cela ne sera pas immédiat mais je ne m’attends pas à ce qu’il reste en place plus de trois mois », affirme Abdul Ghani Al-Iryani.

Dans le dernier scénario discuté, Ali Abdallah Saleh garderait dans un premier temps son titre mais transfèrerait l’intégralité de ses pouvoirs au vice-président.

Le spectre d’une guerre civile

En cas de nouveau désaccord, Al-Iryani reconnaît la possibilité d’une « guerre civile », un terme d’ailleurs largement employé par Saleh dans ses récents discours : « C’est la parfaite rhétorique du dictateur de faire peur à son peuple avec de telles annonces. Il veut apparaître indispensable au pays. S’il part, le pays est condamné. En augmentant très fortement la présence militaire dans les rues, Saleh crée un scénario de guerre civile mais on réussira à déjouer son plan. Si des combats éclatent, je suis persuadé que les gens arriveront à les contenir rapidement, ils ne les laisseront pas s’étendre. La situation économique en revanche va être très difficile. »

Samedi, un responsable yéménite a reconnu que le pays a déjà perdu plusieurs milliards de dollars depuis la fin janvier. Certaines sources à la Banque centrale yéménite parlent de près de 18 milliards de dollars.

 

 

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