Avec ou sans Rafsandjani l'Assemblée des experts reste toute dévouée au Guide suprême, l'Ayatollah Ali Khamenei. Sur le papier ses 86 membres ont le pouvoir de le nommer et aussi de le limoger. Mais dans les faits, l'Assemblée est constituée de sorte à ce que sa loyauté soit garantie au Guide. Pour sa part, Ali Khamenei persiste à soutenir son poulain conservateur, Mahmoud Ahmadinejad. L’enjeu de cette querelle de palais islamique tient en effet à des rivalités de personnes qui prétendent assurer la pérennité de la Révolution de manière plus ou moins dogmatique.
La fuite en avant du Guide suprême
Le Guide Khamenei était sorti de son rôle traditionnel d'arbitre impassible en juin 2009 pour dénoncer, comme des suppôts de l'étranger, les manifestants qui contestaient alors la réélection d'Ahmadinejad à la présidence. Cela avait semblé le fragiliser, en particulier vis-à-vis du cénacle de dignitaires qui tient le haut du pavé religieux dans la bonne ville de Qom. Et finalement, le Guide suprême n'avait plus guère d'autre choix que la fuite en avant pour conforter son assise dans la République islamique elle-même déchirée par des ambitions concurrentes de plus en plus manifestes dans les allées du pouvoir.
A 76 ans, l’ancien président Rafsandjani avait largement fait en quatre ans le tour de la virtualité du pouvoir imparti à la présidence de l'Assemblée des experts. Il avait du reste annoncé qu'il cèderait la place au très conservateur Mohammad Reza Mahdavi Kani, un ayatollah octogénaire qui a été Premier ministre aux débuts de la Révolution islamique de 1979. C'est chose faite. Mais Rafsandjani reste président du Conseil de discernement, une structure chargée de conseiller le Guide suprême et de servir d’arbitre entre le Parlement et le gouvernement. Une position également très honorifique dans le savant mille-feuilles persan de la République islamique.
Rafsandjani se cherche une place dans l'opposition
L'ancien président Rafsandjani va pouvoir se chercher une place dans l'opposition. Ces derniers mois, il s'est démarqué des concurrents malheureux d'Ahmadinejad à la présidentielle de 2009, l'ancien Premier ministre Mir Hossein Moussavi et l'ancien président du Parlement Mehdi Karoubi, les deux chefs de file réformateurs brutalement écartés de la scène politique après avoir servi des mois durant de boucs émissaires au régime Ahmadinejad en proie à une contestation urbaine qui ne tarit pas mais qui n’est pas encore parvenue à s’organiser efficacement.
Pour sa part, Rafsandjani a été un partisan de la première heure de la Révolution islamique. Il est resté un poids lourd de la République qu’il a présidée entre 1989 et 1997, s’affichant comme un « pragmatique » et passant la main au réformateur Mohammad Khatami, face au conservatisme populiste de Mahmoud Ahmadinejad qui a en quelque sorte détrôné cette faction du pouvoir avec sa victoire surprise à la présidentielle de 2005. Depuis, les avis sont très partagés sur Rafsandjani. Ses adversaires lui reprochent une cupidité très temporelle quand ses amis en font la principale victime du camp Ahmadinejad sinon le principal porte-drapeau de l’opposition.
Ces dernières années, Rafsandjani a beaucoup louvoyé, s’efforçant de renvoyer dos-à-dos manifestations inconsidérées, d’après lui, et répression « exagérée». En 2007, son accession à la présidence de l’Assemblée des experts avait semblé lui donner un second souffle. Dans l’immédiat, les conservateurs resserrent les rangs.