Il faut « leur couper tout contact avec la population. Il faut fermer leur maison, limiter leurs allées et venues, qu'ils soient empêchés de donner et de recevoir des messages. Il faut couper leur téléphone, leur internet. Il faut qu'ils soient emprisonnés dans leur propre maison ». Ces recommandations particulièrement virulentes à l’encontre des deux principaux chefs de l’opposition, on les doit à l’ayatollah Ahmad Janati. Il dispensait, ce vendredi 18 février 2011, le prêche précédant la grande prière.
Ce chef de file des conservateurs iraniens préside le Conseil des gardiens. Cette institution veille à la conformité des textes votés par le Parlement avec la charia, la loi islamique. C’est également ce Conseil qui valide les candidatures lors des différents scrutins. C’est à lui que l’on doit la validation de la victoire de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Une validation qui avait entraîné les multiples manifestations connues sous le nom de « révolution verte ». Soutien indéfectible du président Mahmoud Ahmadinejad, et proche du guide suprême Ali Khamenei, l’ayatollah Janati s’était d’ailleurs félicité de l’exécution de deux Iraniens qui avaient participé à ces manifestations. « Il faut poursuivre ces exécutions jusqu’à ce que les manifestations cessent. Ne pas le faire serait la preuve de notre faiblesse », affirmait le religieux en janvier 2010.
Le régime hausse le ton contre ses opposants
En dépit des menaces et des mises en garde, plusieurs milliers de jeunes Iraniens avaient pris le risque de manifester lundi à Téhéran. Pour Thierry Coville, chercheur spécialiste de l’Iran « ces manifestations ont pris les dirigeants iraniens par surprise ». Il semble que les protestataires se soient inspirées des soulèvements tunisiens et égyptiens eux-mêmes similaires aux manifestations iraniennes de 2009.
Thierry Coville estime par ailleurs que la virulence des attaques contre les chefs de file de l’opposition illustre la crainte des autorités de voir le mouvement de protestation prendre de l’ampleur. « S’ils s’en prennent aussi violemment à Mir Hossein Moussavi qui est quand même l’ancien Premier ministre du temps de la guerre Iran-Irak et donc une figure presque aussi importante que l’ayatollah Khomeiny, c’est qu’ils savent qu’il demeure très populaire. D’ailleurs il existe des dissensions au sein de la mouvance conservatrice concernant l’attitude à adopter sur ce point. »
Une opposition muselée
Exécutions pour l’exemple, emprisonnement sans procès pour des milliers de personnes. Le régime iranien a choisi la manière forte pour mater la contestation qui durant neuf mois a suivi la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. Les opposants sont présentés comme des agents de l’étranger, c'est-à-dire à la solde des Etats-Unis et d’Israël. Il faut dire que le gouvernement iranien semble de plus en plus isoler sur la scène internationale. Soumis à des sanctions votées par le Conseil de sécurité des Nations unies pour son refus de suspendre son programme nucléaire, le pays commence à en constater les effets négatifs sur son économie. La dénonciation virulente de Mehdi Karoubi ou de Mir Hossein Moussavi présentés comme des « traîtres à la cause de la Révolution islamique » permet d’occulter les revendications économiques et sociales.
Avec succès, tout du moins chez les milliers de participants à la manifestation pro-gouvernementale organisée ce vendredi à l’université de la capitale iranienne. Dans un communiqué final, les organisateurs demandent « le châtiment le plus sévère contre les chefs de la sédition, et à la justice de juger sans délais Moussavi et Karoubi, qui n'ont d'autre but que d'affaiblir la République islamique et de servir les oppresseurs ». Toute cette rhétorique vise à effrayer les éventuels opposants qui voudraient répondre à l’appel lancé via les réseaux sociaux pour une manifestation dimanche prochain. Plus que jamais, les responsables politiques iraniens au pouvoir veulent limiter le risque de voir l’opposition s’inspirer de la mobilisation victorieuse des Tunisiens et des Egyptiens contre leurs dirigeants.