Le procureur du tribunal pour le Liban remet ses conclusions dans l’affaire Hariri

Le procureur du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) a remis, lundi 17 janvier 2011, une partie de ses conclusions dans l’enquête sur l’attentat perpétré contre l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, le 14 février 2005, au cœur de Beyrouth. Les accusations du tribunal, qui doivent encore être confirmées par un juge, sont au cœur de la crise politique qui secoue aujourd’hui le Liban.

Le procureur du tribunal spécial a remis une partie de ses conclusions sur six années d’enquête, ouverte quelques semaines après l’assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005, à Beyrouth. L’acte d’accusation, déposé lundi 17 janvier par le procureur Daniel Bellemare, doit encore être validé par un juge. Le magistrat chargé de la mise en état, le juge Daniel Fransen, a aussi la possibilité de rejeter, en tout ou en partie, les accusations du procureur. Cette procédure devrait durer entre six et dix semaines. A ce jour, les requêtes du procureur restent donc confidentielles mais pourraient aussi être conservées sous scellées, une fois confirmées, si leur publicité devait notamment présenter un risque pour les personnes ciblées. La question n’a pas encore été tranchée par le tribunal.

Le tribunal est au cœur de la crise libanaise

Depuis deux ans cependant, de nombreuses fuites font état d’accusations contre des membres du parti chiite Hezbollah, que plusieurs sources, au sein du tribunal, confirment. Par ailleurs, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a lui-même indiqué que des personnes de son mouvement étaient ciblées par le procureur. Il accuse le tribunal d’être à la solde des Etats-Unis et Israël. Tel Aviv aurait, selon lui, fomenté l’attentat. Au cours des six années d’enquête, plusieurs membres du Hezbollah ont été interrogés, en qualité de témoins. Mais cette coopération du parti chiite avec le tribunal a pris fin en juillet 2010. Depuis, le Hezbollah menace. Au cours des six derniers mois, la crise politique libanaise a été au cœur d’un intense ballet diplomatique entre Beyrouth, Damas, Riyad, Washington et Paris.

L’échec des négociations

Les récentes négociations syro-saoudiennes, qui visaient notamment à trouver un compromis entre les partis libanais, s’est soldée par un échec. La majorité du 14-Mars du Premier ministre Saad Hariri, le fils de Rafic, a refusé de prendre ses distances avec le tribunal. Le 12 janvier, l’opposition quittait le gouvernement de coalition, mis en place en septembre 2009. Les premières conclusions publiques de l’enquête établissaient que le mobile des auteurs de l’attentat était lié à l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies, en septembre 2004, de la résolution 1559, qui demandait le retrait des troupes syriennes et le désarmement des milices dont le Hezbollah. Une résolution soutenue par Rafic Hariri. Pour certain, le tribunal spécial serait le bras judiciaire de cette résolution. Mais alors que les troupes syriennes ont quitté le Liban en 2005, le Hezbollah reste, aujourd’hui, militairement très puissant.

Des procès in abstentia

Cette crise risque de compliquer encore la tâche du tribunal spécial. Pour faire appliquer ses décisions, et notamment faire arrêter les accusés ou convoquer les témoins, le tribunal doit compter sur la coopération des Etats. Mais seul le Liban a l’obligation de coopérer. Le tribunal spécial a néanmoins prévu la possibilité de conduire des procès in abstentia. Il devra faire vite. Son budget, financé aujourd’hui à 49% par le Liban et à 51% par des Etats volontaires, n’est pas extensible. Par ailleurs, selon son statut, le tribunal, établi le 1er mars 2009, a trois ans pour conduire ses procès. Au-delà de mars 2012, il devra obtenir l’aval du secrétaire général des Nations unies pour poursuivre ses travaux. Enfin, l’attentat perpétré contre Rafic Hariri n’est que l’une des parties du mandat du tribunal. Il doit aussi poursuivre les auteurs d’une quinzaine d’autres attentats perpétrés au Liban depuis le 1er octobre 2004, et qui visaient des personnalités publiques, députés et journalistes.

 

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