Fin de la paralysie politique en Irak

Au terme de trois jours d’âpres négociations, l’Irak est finalement sorti d’une crise politique qui s’éternisait depuis huit mois. Les différents partis politiques se sont mis d’accord pour se partager le pouvoir, ouvrant ainsi la voie à l’élection du président du Parlement, du chef de l’Etat et à la formation d’un gouvernement. Et c'est le sunnite Oussama al-Noujaifi, député sur la liste laïque Iraqiya dirigée par Iyad Allaoui, qui a été élu jeudi 11 novembre président du Parlement irakien.

Le précédent record était détenu par les Néerlandais. En 1977, les Pays-Bas avaient mis 208 jours pour former un gouvernement. En Irak, il a fallu huit mois. L’accord, qui a été trouvé ce jeudi 11 novembre 2010, met fin à une totale paralysie de la vie politique irakienne. Les différents partis avaient entamé des négociations lundi dernier dans le Kurdistan irakien. Elles ont finalement abouti et un nouveau gouvernement devrait être formé sur le principe d’un partenariat national, avec les mêmes composantes que le précédent. Les quatre plus importantes charges du pays ont été attribuées sur la base de critères ethniques et confessionnels : le chef kurde Jalal Talabani reste président de la République, Nouri al-Maliki entame son second mandat en tant que Premier ministre et la présidence du Parlement échoit à Oussama al-Noujaifi, un député sunnite de la liste Iraqiya.

Nouri al-Maliki reconduit Premier ministre

Les élections législatives irakiennes s’étaient déroulées en mars dernier, le vote avait donné la victoire à la coalition laïque multiconfessionnelle Iraqiya dirigée par un ancien chef de gouvernement, Iyad Allaoui, et soutenue par les sunnites. Arrivé en tête avec 91 sièges sur 325, le bloc d’Iyad Allaoui, sans majorité absolue, n’avait pas d’autres choix que de négocier ou d’entrer dans l’opposition. Le parti du Premier ministre sortant Nouri al-Maliki était, lui, arrivé deuxième avec 89 sièges. Là encore, un jeu d’alliance était nécessaire pour garder le pouvoir. Nouri al-Maliki a finalement obtenu de conserver son poste à la tête du gouvernement mais il a été contraint de faire des concessions. Dans son propre camp tout d’abord car ce chiite a dû négocier avec le mouvement de l’imam radical Moqtada Sadr puisque les sadristes disposent de 39 députés au Parlement. Les deux hommes partagent la même religion mais ne s’apprécient guère. Nouri al-Maliki avait maté en 2008 les miliciens de l’Armée du Mahdi. Depuis, Moqtada Sadr a choisi l’exil en Iran mais ses partisans ont réintégré le jeu politique. Le ralliement de l’Alliance nationale chiite à Nouri al-Maliki devrait consacrer le retour des proches de Moqtada Sadr au gouvernement.

Création d’un Conseil national de la politique supérieure

Nouri al-Maliki a dû également accepter de voir ses prérogatives réduites. Le président de l’Assemblée nationale sera sunnite, et Iyad Allaoui décroche un lot de consolation non négligeable. Il devrait présider une nouvelle instance baptisée Conseil national de la politique supérieure (CNPS). Cet organisme sera créé par une loi et prendra « des décisions stratégiques importantes », selon les négociateurs. Le parti Iraqiya a également obtenu le portefeuille des Affaires étrangères dans le futur gouvernement dont la formation est imminente. Il faut dire que les Irakiens s’impatientent. La population a observé ces derniers mois une recrudescence des attentats. Depuis le départ des troupes combattantes américaines l’été dernier, les attaques des groupes affiliés à al-Qaïda ont repris. Elles ont visé des chrétiens et des chiites et les Irakiens redoutent une reprise des violences confessionnelles.

Pressions extérieures

Le déblocage de la situation politique suscite donc un vrai soulagement au sein de la population. L’accord a fait l’objet d’intenses tractations et en coulisse les acteurs extérieurs ont également donné leur avis, poussé leurs candidats. « Il y a eu des pressions régionales et internationales », reconnaît Massoud Barzani. Le président de la région autonome du Kurdistan concède que « les suggestions se sont parfois transformées en pressions » sans en préciser la nature. Massoud Barzani estime toutefois que « les négociations ont clairement montré que les Irakiens sont capables seuls de résoudre leurs problèmes ». L’Iran, par exemple, a gagné en influence chez son voisin depuis la chute de Saddam Hussein. Les Iraniens ont ainsi persuadé Moqtada Sadr de soutenir Nouri al-Maliki. Une alliance que les Américains envisagent d’un mauvais œil, Washington doit retirer 50 000 hommes d’Irak d’ici la fin de l’année prochaine. Les Etats-Unis estiment toujours avoir un droit de regard sur la situation politique à Bagdad. Ce sont eux, par exemple, qui ont suggéré la création du CNPS pour sortir de l’impasse. 

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