Ahmadinejad au Liban pour une visite sous tension

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a entamé ce mercredi 13 octobre sa première visite officielle au Liban où des milliers de personnes, la plupart partisans du Hezbollah chiite pro-iranien, l'attendaient le long de l'aéroport de Beyrouth. Il répond à une invitation de son homologue Michel Sleimane. Mais ce sont les relations entre la République islamique et le mouvement chiite libanais qui seront au centre de ce déplacement de deux jours. Le président iranien doit notamment se rendre dans le sud frontalier d’Israël.

Mahmoud Ahmadinejad à quelques mètres de la frontière entre le Liban et l’ennemi juré israélien : c’est l’image qu’attendent ou redoutent les partisans et les adversaires du président iranien. C’est jeudi que Mahmoud Ahmadinejad doit se rendre dans le sud du pays, officiellement pour constater les dégâts causés par la guerre de 2006 et l’avancée de la reconstruction financée en partie par l’Iran. Pourtant, selon Mohamad Reza Jalili, professeur de sciences politiques, cette visite va au-delà d’un éventuel aspect provocateur.

Cette visite intervient toutefois dans un contexte politique libanais tendu. Le tribunal spécial pour le Liban mis en place par les Nations unies et chargé de faire la lumière sur l’assassinat en février 2005 de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri pourrait prochainement publier un acte d’accusation. Le Hezbollah s’inquiète d’une éventuelle mise en cause de certains de ses membres. Certains craignent une nouvelle flambée de violence comme en 2008. Des affrontements avaient éclaté entre le Hezbollah et ses adversaires provoquant la mort d’une centaine de personnes en une semaine.

Pour Dominique Avon, historien et auteur d’un ouvrage sur la milice chiite libanaise, Mahmoud Ahmadinejad a un double objectif, « le soutien indéfectible au Hezbollah, à la résistance telle qu’elle est conçue par le Hezbollah et une partie de la population libanaise. Il va aussi, et c’est un aspect qui est peu mis en avant par les médias européens, tenter de marquer une forme d’apaisement des tensions entre sunnites et chiites mais en soutenant son allié. »

Au cours de cette visite de deux jours, le président iranien va rencontrer les deux principaux responsables politiques libanais que sont le président Michel Sleimane et le premier ministre Saad Hariri. Deux personnalités peu favorables au Hezbollah.
C’est bien le signe que les deux parties entendent officiellement jouer l’apaisement. Pourtant selon Mohamad Reza Jalili, « la tendance non-Hezbollah reste très prudente par rapport à la politique iranienne dans la région et préfère faire profil bas pour ne pas avoir d’ennuis, directement avec Téhéran et indirectement avec la Syrie qui soutient la politique iranienne. Je crois que tout le monde essaiera d’arrondir les angles pour que cette première visite officielle de Mahmoud Ahmadinejad au Liban se passe le mieux possible. »

Cet objectif se comprend d’autant mieux que l’Iran est également un partenaire économique du Liban. Les échanges commerciaux proprement dit ne représentent que quelques dizaines de millions de dollars par an. Le Liban exporte principalement des engrais et achètent surtout des fruits secs et des tapis. Mais dans le domaine des infrastructures, des accords pour près de 500 millions de dollars pourraient être signés dans les domaines de l’eau et de l’électricité. Mohamad Reza Jalili rappelle que « l’Iran participe à beaucoup de projets économiques avec en particulier la modernisation du réseau électrique. L’Iran aide également le gouvernement libanais en fournissant des armes destinées à ses forces de sécurité. L’Iran essaye de coordonner son intérêt pour le Hezbollah qui reste la seule réussite d’exportation de la Révolution islamique et son soutien au Liban qui est un Etat important pour la stratégie iranienne dans la région. »

Tous ces éléments devraient faire de cette visite de Mahmoud Ahmadinejad un déplacement classique d’un chef d’Etat à l’étranger. Mais la personnalité du président iranien peut considérablement modifier la tonalité de ce séjour libanais comme nous l’explique Dominique Avon :

Avant même son arrivée à Beyrouth, Mahmoud Ahmadinejad savait que sa visite était loin de faire l’unanimité. Mardi, des représentants de la société civile libanaise ont ainsi dénoncé ce qu’ils considèrent comme une ingérence iranienne dans les affaires de leur pays. C’est maintenant au président iranien de choisir s’il souhaite apaiser ou encore renforcer ces inquiétudes.
 

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