France : Que reproche-t-on à Christine Lagarde ?

Dans Appels sur l’actualité, un auditeur demande des précisions sur la mise en examen de Christine Lagarde, ce 26 août, pour « négligence d’une personne dépositaire de l’autorité publique » dans l’enquête sur l’arbitrage dont a bénéficié Bernard Tapie en 2008. Jusque-là témoin assisté dans ce dossier, la directrice générale du Fonds monétaire international n’entend pas démissionner de son poste. L'ancienne ministre des Finances de Nicolas Sarkozy a chargé son avocat, Me Yves Repiquet, de déposer un recours. « Il s'agit d'un délit non intentionnel. C'est un chef d'infraction très mineur, mais nous le contestons », a expliqué ce dernier, affirmant Christine Lagarde « extrêmement combative » au lendemain de sa longue audition par la Cour de justice de la République. Une source au sein du FMI a toutefois indiqué à l’agence Reuters que l'Institution devrait revoir sa position au cas où la procédure devant la CJR venait à l'empêcher d'exercer son mandat.

La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, a été mise en examen pour « négligence ». Que lui reproche-t-on ?
Pour le comprendre, il faut revenir en 2007. Christine Lagarde est alors la ministre des Finances de Nicolas Sarkozy. Elle donne son accord pour que le conflit entre l'homme d'affaires Bernard Tapie et le Crédit lyonnais - qui traîne depuis dix ans - soit réglé par un tribunal arbitral - qui règle de manière exceptionnelle des contentieux privés avec des juristes nommés pour trancher le litige. Si cette décision pose problème, c’est qu’il est rarissime de mettre en place un tribunal arbitral pour un litige qui a déjà été porté devant des juridictions ordinaires. D'autre part, il s'agit d'une justice privée alors que des fonds publics sont en jeu. Enfin, deux des trois juges de ce tribunal sont soupçonnés d'avoir des liens avec Bernard Tapie, qui à l'issue du jugement a reçu plus de 400 millions d'euros du Consortium de réalisation, le CDR, un organisme public chargé d'évacuer les actifs douteux du Crédit lyonnais.Les magistrats se demandent si ce jugement a été un simulacre d'arbitrage organisé avec l'aval de l'exécutif et si la responsabilité de l'ex-ministre des Finances est engagée dans cette affaire. D'autant plus qu'à l'issue du jugement, elle a refusé de déposer un recours en annulation malgré la somme faramineuse que le CDR devait payer... La Cour de justice de la République a donc été saisie de ce pan du dossier : c'est elle qui juge les ministres sur les actes commis alors qu'ils sont en fonction. Christine Lagarde a d'abord été placée sous le statut de témoin assisté en mai 2013, un statut intermédiaire entre témoin et mis en examen, puis après trois ans d'instruction et une quatrième audition, le cap vient d’être franchi, et la voilà mise en examen pour « négligence d'une personne dépositaire de l'autorité publique ayant mené à la destruction, au détournement ou à la soustraction par un tiers de fonds publics ».

Que risque Christine Lagarde sur le plan pénal ?
Un an de prison et 15 000 euros d'amende, c'est le risque encouru pour un délit de négligence... Mais il faut souligner que malgré cette mise en examen, les charges qui pèsent contre la directrice du FMI ont été allégées. En août 2011, l'enquête avait été ouverte pour complicité de faux et complicité de détournement de fonds publics. Ce dernier délit est passible de dix ans de prison et d'un million d'euros d'amende.

Peut-on l’imaginer quitter la tête du FMI comme l’a fait Dominique Strauss-Kahn ?
Les évènements ne sont pas du même ordre. Les faits reprochés à Christine Lagarde en tant qu'ancienne ministre de l'Economie sont sans commune mesure avec les accusations d'agression sexuelle à l'encontre de son prédécesseur ! D'autant que lui était poursuivi aux Etats-Unis. L'affaire Lagarde est franco-française et tant qu'aucun jugement n'est prononcé, l’intéressée peut facilement arguer que rien ne l'empêche d'accomplir ses missions outre-Atlantique. Par ailleurs, rien dans les statuts de l'organisation n'oblige Christine Lagarde à quitter ses fonctions après sa mise en examen.

Quel peut-être son avenir à la tête du FMI ?
Le conseil d'administration du FMI - qui dispose du pouvoir de nomination et de révocation du directeur général - lui a renouvelé sa confiance. Tout comme il l'avait fait lorsqu'elle a été placée sous le statut de témoin assisté. La directrice du FMI a d’ailleurs d'emblée écarté l'hypothèse d'une démission. Christine Lagarde a aussi chargé son avocat d'exercer tous les recours possibles contre sa mise en examen. Pour elle, cette décision est totalement infondée. Et si elle dispose d'un délai de trois mois pour la contester, son avocat affirme qu'un recours en nullité sera probablement déposé d'ici la fin de la semaine prochaine. Si la décision est maintenue, il pourra encore se pourvoir en cassation... Dans tous les cas, même si cette procédure peut s'étaler sur quelques mois, voire un an, elle n'est pas « suspensive » : l'enquête sur le rôle de Christine Lagarde continue.

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