Le Venezuela sous tension

Ces dernières semaines, des manifestations étudiantes contre l’insécurité et les pénuries ont fait une quinzaine de morts au Venezuela. A Caracas, la contestation a pris la forme d’une opposition au président Nicolas Maduro. Parallèlement, les relations avec les Etats-Unis se dégradent après les expulsions de diplomates américains, et celle de diplomates vénézuéliens par Washington, par mesure de rétorsion.

Après les manifestations de ces derniers jours, couleur rouge côté pro-gouvernemental et couleur blanche côté opposition, le président Nicolas Maduro avait convoqué une « conférence de paix » ce mercredi. L’opposant Henrique Capriles de la Mesa de Unidad Democrática (MUD, Table de l’unité démocratique), a refusé d’y participer, mettant en cause le parti du président Maduro dans les violences de ces derniers jours, et réclamant comme condition initiale que les manifestants emprisonnés soient libérés, dont le leader du parti Voluntad Popular, Leopoldo López, contre lequel un mandat d’arrêt avait été lancé et qui s’est livré aux autorités le 19 février dernier.

Nicolas Maduro avait aussi annoncé qu’il comptait demander au Parlement (l’a-t-il fait ?) de créer une « commission vérité » pour faire la lumière sur les violences de ces dernières semaines, qui ont causé la mort d’une quinzaine de personnes et fait des dizaines de blessés, et sur la mobilisation de l’opposition qui, selon lui, cherche à justifier une intervention étrangère au Venezuela. Le pouvoir, qui se dit dans son bon droit, impute les problèmes du pays à une conspiration de ce qu’il appelle la « droite fasciste », qui voudrait fomenter un coup d’Etat.

Le président vénézuélien se repose sur la légitimité de son élection, le 14 avril 2013, remportée d’une courte tête avec 50,6 % des voix. Il met aussi en avant les bons scores réalisés aux municipales de décembre dernier. Et il sait qu’il n’y a pas d’échéance électorale avant un an et demi. Côté opposition, certains déclarent qu’un dialogue est nécessaire, faute de quoi la situation risque de dégénérer. Le Venezuela est un des pays les plus violents de la planète, et cette fois, la violence a atteint des sommets. La crise économique touche de plus en plus de monde, avec notamment des pénuries de produits de première nécessité.
 
Depuis de nombreuses années, la société est très polarisée entre pro et anti-chavistes. Du coup, dès qu’une contestation s’installe, le pouvoir y voit un projet de déstabilisation. La mémoire du 11 avril 2002 - lorsque des manifestations ont dégénéré en violence et en bref coup d’Etat contre Hugo Chavez -, est encore très présente chez les chavistes. Mais le pouvoir sait qu’il doit répondre aux demandes pressantes qui affectent tous les Vénézuéliens, chavistes compris. L’opposant Henrique Capriles a tenté de rallier les chavistes déçus, lors de la présidentielle. Un million d’entre eux auraient voté pour lui.

Le Pape François s’est exprimé pour la première fois sur le Venezuela ce mercredi matin, juste avant la conférence de paix convoquée par le président Nicolas Maduro. Il a appelé à l’arrêt des violences et à ce que « tout le peuple vénézuélien, à commencer par les responsables politiques et institutionnels, se mobilise pour favoriser la réconciliation nationale ».

Mais la mobilisation de l’opposition se poursuit, et le dialogue national convoqué par le président Nicolas Maduro ne semble pas porter ses fruits. La mobilisation rappelons-le, avait commencé par des manifestations étudiantes contre l’insécurité dans les campus suite à une tentative de viol à San Cristóbal dans l’Etat de Táchira, à l’ouest du pays, des manifestations qui se sont amplifiées le 12 février, après la répression par les forces de police, des affrontements, une quinzaine de morts, plus de 140 blessés et des centaines d’arrestations.

Des relations exécrables avec Washington

Au cours de cette même période, Nicolas Maduro, qui entretient comme son prédécesseur Hugo Chavez des relations exécrables avec Washington, a annoncé l'expulsion de trois agents consulaires américains, accusés d'avoir rencontré des étudiants impliqués dans les manifestations et de leur avoir proposé des « visas pour les Etats-Unis ». Jennifer Psaki, la porte-parole du département d'Etat américain, a rejeté le 17 février ces accusations, selon lesquelles les Etats-Unis aident les manifestants anti-gouvernementaux à Caracas, les qualifiant de « sans fondement et fausses ». Selon elle, aucun avis officiel ne les a informés de cette expulsion. Par réciprocité, Washington a expulsé trois diplomates vénézuéliens cette semaine.

Depuis 2010, sous la présidence d’Hugo Chavez (décédé début mars 2013), les Etats-Unis et le Venezuela n’ont plus d’ambassadeurs respectifs, mais des chargés d’affaires. Il faut rappeler que depuis l’élection de Chavez, le Venezuela s’est rapproché de Cuba, l’ennemi historique des Etats-Unis. Cuba a d’ailleurs réitéré son soutien au président vénézuélien Nicolas Maduro et dénoncé l’influence des Etats-Unis dans les manifestations en cours.

Pourtant, en juin dernier, les discussions avaient repris entre Caracas et Washington, en marge d’un sommet de l’Organisation des Etats Américains (OEA), à Guatemala City. Mais en juillet, tout s’était à nouveau bloqué avec l’affaire Snowden, l’informaticien mis en cause par les Américains pour avoir dévoilé des méthodes d’espionnage à grande échelle. Nicolas Maduro a pris sa défense et lui a proposé l’asile politique. C’est alors que Samantha Power, nommée ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, a déclaré qu’elle « lutterait contre la répression au Venezuela », ce qui a fait bondir le président Maduro. Et clos le dialogue.

Puis, le 30 septembre, les autorités vénézuéliennes ont pour leur part déclaré persona non grata des « diplomates américains, dont le chargé d’affaires », qu’elles ont « accusé de conspirer avec l’opposition pour saboter les installations électrique ». Le pays avait de gigantesques pannes d’électricité. Et les autorités ont crié au sabotage. En représailles, les Etats-Unis avaient expulsé trois diplomates américains.
Ces derniers jours, le gouvernement vénézuélien a donc de nouveau accusé des diplomates américains - chargés d’affaires consulaires - de conspiration, et d’intrigues avec l’opposition.

« C'est aux Vénézuéliens de décider de l'avenir politique du Venezuela. Nous exhortons le gouvernement à œuvrer pour répondre aux doléances de son peuple grâce à un vrai dialogue significatif », a déclaré la porte-parole du ministère américain des Affaires étrangères. Dans le rapport sur les droits de l’Homme 2013 du Département d’Etat publié ce jeudi 27/02/2014, les Etats-Unis dénoncent entre autres la restriction à la liberté d’expression et à la liberté de la presse au Venezuela.

Des tensions diplomatiques qui n’empêchent pas les deux pays d’avoir des relations commerciales : les Etats-Unis importent 900 000 barils de pétrole par jour du Venezuela.

 

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