Robert Mugabe ébranlé… par les réseaux sociaux

Les mouvements de contestation contre Robert Mugabe se multiplient depuis début juillet. Manifestations, grève générale… Appels sur l’actualité analyse la nature de cette mobilisation, qui a eu lieu via les réseaux sociaux. Pourrait-elle entraîner la chute du président du Zimbabwe? Lâché ce 21 juillet par les anciens combattants, piliers de son régime, Robert Mugabe, 94 ans, préfère accuser les Occidentaux et ses opposants d’être les responsables de la crise économique que traverse son pays. Il a prévu de se présenter à la présidentielle de 2018.

 

Les manifestations se sont accentuées au Zimbabwe début juillet. Peuvent-elles pour autant faire tomber Mugabe ?
Impossible de dire si les manifestations vont oui ou non entraîner la chute du président Robert Mugabe, dont on ne peut évidemment pas prédire les réactions. On peut cependant s’appuyer sur des faits marquants. Tout d’abord, ce genre de protestations de la part des Zimbabwéens est extrêmement rare. Une opération comme celle de début juillet, où Harare et Bulawayo étaient pratiquement devenues des villes fantômes, c’est exceptionnel. Il faut remonter à 2007 pour trouver pareille mobilisation. Cela ne veut pas dire évidemment que cela ne se reproduira pas, mais qu’il est difficile de mobiliser la population pour qu’elle descende dans la rue. Il y a bien sûr des raisons à cela : lors de la dernière grande manifestation, en 2007, 50 militants de l’opposition avaient été sévèrement passés à tabac par la police, et parmi eux une députée avait même été tuée par balles. Les Zimbabwéens vivent depuis près de trente ans sous la coupe d’un régime dictatorial, donc les protestations sont rares. Autre fait marquant : la colère et la fronde d’une partie des vétérans contre Robert Mugabe. Il y a dix jours, certains d’entre eux ont dénoncé le côté « dictatorial » du régime, ils ont même annoncé qu’ils ne soutiendront pas le président à la prochaine élection de 2018 : une première, alors que ces vétérans de l’indépendance ont toujours été des alliés de poids pour Robert Mugabe. Sa réaction ne s’est d’ailleurs pas fait attendre : il a lancé une enquête qui doit déterminer qui, précisément, est à l’origine de la contestation, et il a promis une punition sévère.
 

Cette fois, la mobilisation s’est passée essentiellement en ligne, sur les réseaux sociaux. En quoi est-ce différent ?
Le pouvoir doit faire face à une forme de contestation complètement nouvelle, à laquelle il a encore du mal à s’adapter. Celui qui apparaît comme un « leader » de cette fronde, le pasteur Evan Mawarire, poste ses appels à manifester et à s’unir sur Twitter, où il apparaît dans ses vidéos avec le drapeau zimbabwéen autour du cou. Il est très populaire et le gouvernement ne sait pas comment s’en dépêtrer… Lors des manifestations, ils ont essayé de couper la messagerie WhatsApp mais, tout de suite, des astuces sont apparues en ligne pour expliquer aux gens comment la faire fonctionner quand même. Ils ont arrêté le pasteur Mawarire, qui à la surprise générale a été relâché au bout de deux jours, la charge la plus grave ayant été abandonnée… Selon certains contacts sur le terrain : « Oui, il faudrait que Mugabe démissionne. Mais personne ne peut vraiment oser le demander comme ça. On essaye juste de faire pression sur lui pour qu’il s’occupe des problèmes qui empoisonnent notre pays… »

Ces problèmes semblent liés avant tout à une crise économique grave et profonde. Pourquoi Robert Mugabe accuse-t-il ses opposants politiques et les Occidentaux d’en être les responsables ?
Il y a une raison simple : rendre les pays occidentaux responsables permet à Robert Mugabe de dire que les problèmes du pays ne sont pas de sa faute, et notamment le paiement des salaires des fonctionnaires. Cela a été la principale cause de la grève, début juillet : les médecins, les infirmiers et les professeurs n’ont pas reçu leur salaire du mois de juin, et même les soldats n’ont eu droit qu’à une petite avance sur leur solde. Et le président a prononcé un discours dans lequel il a notamment déclaré que « les fonctionnaires n’ont pas pleinement conscience des problèmes du pays », liant le non-paiement des salaires aux sanctions, dont la levée pourrait permettre de sortir de la crise…

Rappelez-nous la nature de ces sanctions ?
Dans leur grande majorité, ces sanctions imposées au Zimbabwe par l’Europe et les États-Unis consistent en un gel des avoirs que des dignitaires zimbabwéens proches du pouvoir possèdent à l’étranger ; ce sont aussi, par exemple, des interdictions de visas pour l’Union européenne... Elles n’ont donc pas grand-chose à voir avec la gestion économique du pays, qui incombe au gouvernement. Elles ne sont pas responsables de l’hyperinflation qui mine le pays depuis quinze ans. D’ailleurs, le 28 juillet, la Cour européenne de justice a de nouveau confirmé les sanctions économiques, contre lesquelles les personnes visées avaient fait appel. Enfin, ce que le président Mugabe ne dit pas dans ses derniers discours, c’est que l’année dernière, l’Union européenne a versé 234 millions d’euros au Zimbabwe, une aide normalement destinée à soutenir l’agriculture et la santé...

 

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