Les enfants victimes silencieuses de la crise dans les pays riches

En étudiant la situation des enfants dans les pays de l’OCDE et de l’Union européenne, frappés par la crise, l’Unicef parle d’un « grand bond en arrière ». Entre 2008 et 2012, la pauvreté des enfants y a nettement augmenté, mettant même en péril l’avenir de nos sociétés, estime l’organisation.

Quand en 2008 éclate la crise économique, l’attention du public se focalise sur les banques, montrées comme étant les premières victimes de la folie d’un système. Cinq ans après le début de cette tempête financière, on le constate, les banques vont bien. Beaucoup moins visibles, les vraies victimes elles, se comptent par millions et c’est ce qu’a voulu montrer l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance) dans un rapport intitulé Les enfants de la récession

Incapables de faire face à l’imprévu

Entre 2008 et 2012, ce sont 2,6 millions d’enfants qui ont été poussés vers la pauvreté. L’étude réalisée par le centre de recherche Innocenti de l’Unicef a rassemblé les données dans 41 pays de l’OCDE et de l’Union européenne. Elle a pu ainsi constater que la situation des enfants vulnérables s’était nettement dégradée. Au total, note le rapport, on dénombre maintenant plus de 76 millions d’enfants vivant dans la pauvreté dans les 41 pays les plus prospères.

C’est évidemment là où la récession est la plus marquée que l’on relève la plus grande détérioration dans la situation des enfants. Ainsi en Grèce, la proportion d’enfants pauvres et gravement défavorisés a été multipliée par trois entre 2008 et 2012. Plus grave encore, l’Islande a vu le nombre de ses enfants les plus démunis augmenter de plus de 50 %. Dans les cinq pays les plus touchés (Irlande, Croatie, Lettonie, Grèce et Islande), la proportion d’enfants gravement défavorisés a presque doublé en quatre ans, souligne le rapport.

Ainsi, le nombre de familles avec enfants où on n’a plus les moyens d’acheter de viande, de poulet ou de poisson tous les deux jours a plus que doublé en Estonie, en Grèce et en Italie. De la même manière, dans les 12 pays les plus touchés et en cas de dépenses imprévues, les familles avec enfants qui déclarent ne pas pouvoir faire face, sont près de 60% plus nombreuses qu’avant la crise.

Ces situations de misère se multiplient du fait des pertes d’emploi des parents dans de nombreux pays étudiés, mais aussi des coupes opérées dans les services publics. La conjugaison de ces deux facteurs de paupérisation mène souvent la famille à perdre son logement.  

Ni travail, ni études, ni formation

L’impact de la crise n’a pas épargné la France où, là aussi, de plus en plus d’enfants souffrent. Classé 30e sur les 41 pays étudiés par l’Unicef, juste derrière la Hongrie et le Mexique, l’Hexagone a vu son taux de pauvreté passer de 15,6% à 18,6%, ce qui se concrétise par le basculement de 440 000 enfants dans la pauvreté. Le rapport pointe aussi le rôle néfaste que joue l’affaiblissement des dispositifs de protection dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la nutrition qui, de ce fait, ne parviennent plus à amortir le choc de la crise chez les plus fragiles.

Ce recul a également eu des effets néfastes sur les jeunes. Dans son rapport, l’Unicef insiste sur la proportion alarmante des 15 à 24 ans qui sont sans travail et ne suivent ni études, ni formation. Le nombre de ces jeunes « socialement disqualifiés » a augmenté de 30% en Croatie, à Chypre, en Grèce, en Italie et en Roumanie. Ils sont ainsi 7,5 millions dans l’Union européenne à être dans une situation dont il est de plus en plus difficile de sortir, soit 1 million de plus qu’en 2008.

L’Unicef appelle ce recul le « grand bond en arrière » ; elle évalue ainsi que les familles grecques ont perdu 14 années de progrès alors que l’Espagne, l’Irlande et le Luxembourg reculaient d’une décennie. Si la riposte des Etats se fait attendre ou si elle est trop faible, « c’est le bien-être de nos sociétés à long terme qui est en jeu », met en garde l’Unicef.  

Pour améliorer la situation, le rapport préconise que les « pays soient en mesure de maintenir de solides filets de sécurité sociale pour protéger les enfants ». Par le biais de cette étude, l’Unicef dit vouloir « provoquer une véritable prise de conscience des décideurs politiques ». On peut en effet amortir et même annuler les effets de la crise sur les enfants, soutient-elle. C’est le cas du Chili, de la Finlande, de la Norvège, de la Pologne et de la République slovaque qui sont parvenus avec quelques autres à faire reculer le taux de pauvreté des enfants entre 2008 et 2012.

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