François Hollande fait le bilan de trois années à l'Elysée

En direct pendant deux heures dans une émission peu classique, au style incisif et suivie par un public plutôt jeune : c’est un numéro d’équilibriste auquel s'est prêté le chef de l’Etat sur la chaîne Canal Plus ce 19 avril. Toujours aussi impopulaire, à 24 mois de la nouvelle échéance présidentielle, l’intervention de François Hollande était attendue. Retour sur ses principales déclarations.

Ce qu'il faut retenir de l'intervention

Comme prévu, pas de grandes annonces puisque les grandes réformes du quinquennat sont déjà sur les rails. Mais une volonté réaffirmée, martelée même par le président de ne rien lâcher dans la lutte contre le chômage : « Je ne cesserai pas jusqu'au bout de faire des réformes pour qu'il y ait plus d'emplois. »
Le chef de l'Etat a tenu à rassurer sur la très controversée loi sur le renseignement en annonçant son intention de saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier la conformité de la loi qui, selon lui, ne remet pas en cause la liberté des citoyens.
Autre précision, la prime activité sur les jeunes précaires de moins de 25 ans qui doit être présentée en Conseil des ministres mercredi prochain. François Hollande souhaite l'élargir, sans toutefois préciser si les étudiants ou bien les apprentis seront concernés.
Les jeunes étaient le thème prioritaire de cet entretien dans cette émission branchée. Le président, au plus bas dans les sondages, en fait son coeur de cible. Aura-t-il convaincu ? « Soyez optimistes ! », leur a-t-il en tout cas lancé en fin d'émission.
 

Retour en détail sur les points-clés de l'intervention

Fin de l'émission. François Hollande conclut : « Je garde le cap », malgré les défaites aux dernières élections départementales.

« La France est respectée partout dans le monde, elle est capable de répondre à toutes les demandes. J'ai envie que les Français soient fiers de tout ce qu'ils peuvent produire eux-mêmes. » « La France est un avenir, une chance. »

14h30 : l'avenir de la jeunesse

Le président poursuit son dialogue avec les lycéens : « La jeunesse doit être l'optimisme ». « Il y a effectivement, comme vous le dites, des problèmes qui restent : le chômage. »

14h05 : la France de l'après-Charlie Hebdo

Diffusion d'un reportage réalisé auprès de lycéens durant une semaine qui livrent leur opinion sur les trois jours d'attentats du mois de janvier en France. Les lycéens sont sur le plateau et dialoguent avec le président.

« En France, on peut se moquer des religions ; en France, on l'a toujours fait. Il n'y a pas d'interdiction du blasphème en France [...] En revanche, on n'a pas le droit d'appeler à la haine. » « C'est la justice qui décide : liberté d'expression ou apologie de la haine ? » « On doit savoir pourquoi on rit » des spectacles de Dieudonné, a expliqué le chef de l'Etat.

« Nous allons introduire l'histoire des religions » dans les programmes scolaires, annonce François Hollande. « L'enjeu, c'est de comprendre les religions ».

13h50 : les relations avec la Russie : La France négocie sur les «Mistral»

Après la diffusion d'un décryptage sur Vladimir Poutine, François Hollande explique ses « rapports d'Etat à Etat » avec la Russie. « Je connais Vladimir Poutine depuis 23 ans. Il est direct et il ne cache pas son jeu. »

François Hollande rappelle brièvement la « longue nuit de négociations avec Vladimir Poutine et Angela Merkel » ayant abouti aux accords de Minsk II.

Sur les navires Mistral, « nous sommes encore en train de négocier pour trouver une solution ». Fançois Hollande doit rencontrer le président russe vendredi prochain à Erevan, en marge des cérémonies du centenaire du génocide arménien. La France a suspendu l'an dernier pour une durée indéterminée la livraison du premier des deux bâtiments de guerre commandés par la Russie dans le cadre d'un contrat de 1,2 milliard d'euros, en raison du rôle de Moscou dans la crise ukrainienne. « C'est encore l'objet de discussions », a déclaré le président.

13h35 : le Front national

Des Français « ont basculé », parce qu'« ils ne croient plus ». « Je dois faire en sorte que le chômage soit la seule priorité ».

« Marine Le Pen parle comme un tract du parti communiste des années 1970. Et ça parle dans ces régions, qui ont été influencées par le parti communiste [...] sauf que le parti communiste, il ne demandait pas qu'on chasse les étrangers, qu'on fasse la chasse aux pauvres. » « Si on fermait les frontières, ce serait pire encore ». « Marine Le Pen reprend les arguments de son père » et dénonce « l'étranger ». « Vous entendez les députés Front national faire des propositions [à l'Assemblée] ? »

« Ce n'est pas un parti républicain, c'est un parti dans la République. » François Hollande explique qu'il faut débattre avec lui parce qu'il représente une « réalité » qui « ne peut pas être niée ». Il a fustigé un parti qui « reprend toujours les mêmes thèmes », créant un « risque de guerre de civilisation dans le pays ».

Enfin, sur un éventuel débat qui pourrait l'opposer à Marine Le Pen lors du second tour à l'élection présidentielle, François Hollande a déclaré que « même si le Front national n'est pas en situation, pour l'instant, d'être au second tour, nous verrons bien. De toute façon, il y aura toujours des débats de second tour entre les deux candidats qui sont restés en lice », a-t-il ajouté avant de préciser qu'il n'était « pas dans cette situation ».

13h25 : la loi sur le renseignement : Hollande saisira le Conseil constitutionnel

L'essentiel :
« Cessons de croire qu'il y a un système général d'écoute ».
« Il s'agit uniquement de lutte contre le terrorisme. »
« Je saisirai le Conseil constitutionnel » qui pourra vérifier que « le texte est conforme à la Constitution ».
« Personne ne vous écoutera sauf s’il y a eu un certain nombre de suspicions sur vos activités terroristes ou sur vos liens avec des personnes terroristes. »

Verbatim :
« Cette loi est faite pour à la fois nous protéger, tous, pas protéger les puissants, protéger les citoyens, et en même temps nous permettre d’être en liberté parce que si les terroristes arrivaient à nous faire voter des lois qui mettraient en cause des principes absolus de notre vie, ils auraient d’une certaine façon gagné. On ne veut pas que nos conversations soient enregistrées. On n’y tient pas. Pour cela, personne ne pourra écouter votre conversation, aucun service, sans en demander une autorisation pour qu’une commission donne un avis. Dans cette commission, il y aura des parlementaires, des magistrats, Cour de cassation, Conseil d’Etat et un spécialiste des technologies.

« Avant il y avait des choses qui n’étaient pas encadrées, personne ne s’en inquiétait. On a découvert un certain nombre de choses, notamment parce qu’il y a des nouvelles technologies. La dernière loi sur le renseignement remonte à 91, il n’y avait pas de portable, et pas d’internet. Donc il y a un nouveau système qui permet effectivement de prendre en compte ce qui existe sur le plan technologique. On va permettre pas un contrôle du contenu mais un contrôle pour voir s’il n’y a pas ces organisations qui utilisent le cryptage, qui utilisent beaucoup de communications. La commission sera saisie et elle donnera des autorisations, c’est le Premier ministre qui les donnera, en fonction du caractère dangereux ou pas. »

« Personne ne vous écoutera sauf s’il y a eu un certain nombre de suspicions sur vos activités terroristes ou sur vos liens avec des personnes terroristes, avec des limites de temps. Nous voulons vivre libres et en même temps, nous voulons être protégés. Jamais il y a eu une loi en France qui a pris en compte toutes les techniques, toutes les opérations et qui a permis qu’il y ait une commission et même un recours devant le Conseil d’Etat.
Cessons de croire qu’il y a un système général d’écoute. Ce dont il s’agit, c’est uniquement de la lutte contre le terrorisme ou de nos intérêts, les personnes qui viennent nous espionner pour savoir comment nos entreprises travaillent. Il y a même eu des chefs d’Etat qui ont été écoutés.
Pour que vous soyez bien convaincus que cette loi ne mettra pas en aucune façon en cause les libertés : au terme de la discussion parlementaire, je saisirai le Conseil constitutionnel qui pourra regarder en fonction du droit si ce texte est bien conforme à la Consitution. »

13h15 : le chef de guerre

« Il y a eu des décisions qui ont été particulièrement dures à prendre, a plusieurs fois répété le président. Je ne parlerai pas du Mali. Dès que j’ai pris cette décision sur le Mali, je savais qu’il allait y avoir des militaires français qui allaient partir. Il y en a eu un qui, je l’ai su très vite, est mort, Damien Boiteux. Je me suis forcément interrogé : est-ce que j’avais pris la bonne décision ? D’autres sont morts. Chaque jour, je me pose cette question. Mais je vais vous parler d’autre chose. Dans la même journée où j’ai décidé l’intervention au Mali, il y avait un otage à sauver, un otage français qui était dans nos services, qui était en Somalie. On a lancé une opération. Elle n’a pas abouti. L’otage est mort et chez ceux qui ont fait l’intervention, il y a eu plusieurs victimes. C’est une décision grave. »

« Il y a des nouvelles plus heureuses », « quand on annonce aux familles » la « libération d'un otage ».

13h : chômage et travail

François Hollande a annoncé l'élargissement de la prime d'activité à toutes les personnes ayant des « petits boulots », y compris les moins de 25 ans, et des mesures favorisant l'apprentissage :

« La première [mesure contre le chômage] c’est inciter à la reprise du travail. Il y a beaucoup de personnes qui sont dans une situation de précarité et qui quelquefois se mettent dans le refus même d’un travail parce que ça peut être une baisse des revenus, paradoxalement. Donc on va créer cette prime d’activité qui était déjà présentée par le Premier ministre, que je vais préciser devant vous et que je vais d’ailleurs élargir. Cette prime d’activité ça va être pour toutes les personnes qui sont justement dans ce qu’on appelle les petits boulots, l’intérim, le temps partiel. On va leur donner un avantage supplémentaire, une prime supplémentaire pour que ça puisse être avantageux de travailler, de continuer à travailler et d’aller vers un emploi. »

Il faut, dit le chef de l'Etat, « prendre un travail, même très court, même à temps partiel, pour garder ses droits et pouvoir être incité, et que le travail surtout soit valorisé. Ce qui compte c’est de sortir plus nos compatriotes d’une forme de précarité ou de résignation pour les conduire vers le travail. »

« Ça concerne tous les Français, mais il y avait déjà eu une idée de RSA activité. C’était Martin Hirsch qui en avait eu l’idée. Et ceux qui avaient moins de 25 ans ne pouvaient pas y avoir droit. Or précisément les plus précaires sont souvent les jeunes, ce sont ceux qui acceptent des petits boulots, des stages, quelques fois des contrats qui durent à peine un mois. Ceux-là pour les valoriser, pour les favoriser au plan de la reprise du travail, ils vont avoir cette prime d’activité. »

« On va redéployer ce qui existait parce qu’il y avait une prime pour l’emploi, un RSA activité qui était d’ailleurs pas utilisé en totalité parce qu’il y a beaucoup de Français qui ne connaissent même pas leurs droits et qui n’allaient même pas les réclamer. Donc on fera quelque chose de beaucoup plus simple, de beaucoup plus clair et de beaucoup plus incitatif. »

« Ça ne coûte pas beaucoup plus puisque c’est quatre milliards, peut-être un peu plus. Mais quand on est devant cet enjeu-là, je vois qu’il ne faut pas compter car ce qui compte, c’est le travail. »

« Je me bats pendant toutes ces années, et les deux qui me restent, pour atteindre le résultat que j’ai fixé, que je leur ai promis, c’est-à-dire la baisse du chômage. »

12h50 : l'introduction : nouveau drame en Méditerranée

Après la diffusion d'un reportage d'une quinzaine de minutes sur une semaine à l'Elysée avec François Hollande, le chef de l'Etat arrive sur le plateau de Canal+. « Je m'étais préparé », « je suis dans la fonction que j'exerce. Je suis celui qui tient son rôle, sa place. Je suis très proche des Français, mais je ne veux pas de familiarité. »

L'émission commence par une question d'actualité sur un nouveau naufrage intervenu ce dimanche matin en Méditerranée dans lequel près de 700 migrants auraient trouvé la mort. François Hollande déplore « la pire catastrophe en Méditerranée » et demande une réunion européenne d'urgence des ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères.

« Si c’était confirmé, ce serait la pire catastrophe de ces dernières années en Méditerranée. Il y a cette catastrophe aujourd’hui, elle est terrible, mais il y a des drames qui se sont produits encore cette semaine dernière qui ont fait près de 400 morts. Donc depuis le début de l’année il y a une accélération. L’année dernière, il y avait eu 4000 morts en Méditerranée. Qu’est-ce que nous devons faire ? Qu’est-ce que je dois faire ? J’ai d’abord appelé Matteo Renzi, le Premier ministre italien, pour voir avec lui comment nous pouvons agir en urgence. »

« C’est à quelques kilomètres de l’Italie et plus près encore de la Libye, et nous sommes concernés. La Méditerranée c’est une mer qui nous est commune entre l’Afrique et l’Europe. J’ai également souhaité qu’il y ait une réunion rapide des ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères parce que nous devons, là aussi, renforcer le nombre de bateaux qui sont dans le cadre d’une opération qui s’appelle Triton. Donc plus de bateaux, plus de survols par des avions et puis également une lutte beaucoup plus intense par rapport au trafic. »

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