France: le protocole de l’Assemblée nationale vu par les députés LREM

Bienvenue à l’Assemblée ! Les nouveaux députés de la République en Marche ne sont pas des professionnels de la politique. C’était une promesse d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. Ils s’acclimatent depuis deux mois au protocole de l’institution parlementaire. Son faste et ses très nombreuses règles non écrites ont eu de quoi les surprendre.

A l’arrivée du président de l’Assemblée, sous les tambours de la garde républicaine, « c’est là qu’on se dit : « Ah oui quand même ! » C'est impressionnant », réagit l’élu LREM du Vaucluse, Jean-François Cesarini.

L’arbitre du Palais Bourbon est le quatrième personnage de l’Etat. Tout un protocole encadre sa fonction. Il est, par exemple, interdit de lui tourner le dos en séance. Plusieurs députés se sont déjà fait reprendre par les huissiers. Pas de bavardage non plus lorsque François de Rugy monte au perchoir. Au final, « ça fait un peu école d’autrefois », juge la députée LREM de la Drôme Mireille Clapot.

Ne pas boire ni déposer son sac sur les pupitres

Autre norme protocolaire, qualifiée de « curieuse » par Pieyre-Henry Anglade, élu LREM des Français établis hors de la France : les députés ne peuvent pas boire dans l’Hémicycle… ni poser leur sac sur les pupitres de l’Assemblée. Une de ses collègues, « assise deux rangs devant lui », s’est faite rappeler à l’ordre par le personnel du Palais.

Ces novices en politique n’ont cessé depuis deux mois de découvrir les règles de forme de la vie parlementaire. On ne compte plus, en effet, le nombre d’élus qui se sont vus couper la parole parce qu’ils étaient trop long. Ils disposent de deux minutes, pas plus, pour s’exprimer sur un article en séance, ce qui peut être « frustrant voire vexant », souligne le député de la majorité des Deux-Sèvres Guillaume Chiche.

Mireille Clapot explique avoir été également « frappée » par le contraste de la prise de parole des députés « des extrêmes » : « ils respectent le protocole en saluant le président et leurs collègues, et, en même temps, interviennent sur le fond de manière très virulente ».

Réformer la vie parlementaire

D'autres ont été « surpris » par l’obligation de présence en commission, explique le parlementaire LREM Lionel Causse qui a quitté le Parti socialiste en 2015 ; des élus qui ne se sont pas rendus compte du temps qu’ils consacreraient à la tâche. « Je pensais que c’était exceptionnel de travailler après 20 h or c’est régulier durant les séances de nuit », témoigne encore Mireille Clapot.

Ils sont d’ailleurs nombreux à s’interroger sur la vertu des travaux nocturnes. « C’est une très mauvaise organisation du travail parlementaire », dénonce un élu. « Chaque amendement est débattu alors que nous pourrions simplement les présenter puis les voter ou pas », témoigne-t-il encore. Ils estiment tous nécessaires la réforme et la modernisation de la vie parlementaire. C’est justement ce qu’a annoncé le président du Palais Bourbon François de Rugy fin juillet 2017. Sept groupes de travail vont être constitués pour y parvenir.

Le dress-code de l’institution ne sera, en revanche, pas un point de discussion pour les députés LREM. Leurs collègues de la France insoumise avaient tenté une petite révolution vestimentaire à la rentrée parlementaire. Ils avaient refusé de porter la cravate dans l’Hémicycle. Son port traditionnel choque néanmoins beaucoup moins les élus de la majorité. « Devoir porter la cravate me semble logique. On représente la Nation donc on doit être en tenue correcte », considère Olivier Damaisin, élu dans le Lot-et-Garonne. « C’est d’ailleurs tout le débat de cette mandature : trouver le juste milieu entre la solennité de la fonction de l’élu et désacraliser sa position », raisonne Jean-François Cesarini.

Dormir sur le canapé de son bureau

Et puis, c’est du jamais vu, il y a aussi ceux qui ont pris la liberté de dormir sur le canapé de leur bureau. « Ils sont jeunes, n’ont pas beaucoup de moyens et sont habitués au sac de couchage », justifie un député au journal Le Parisien. Pourtant c'est interdit par le règlement. A l'Assemblée, on ne peut dormir que dans les bureaux équipés de lit. 250 députés ont un bureau et une chambre, et 84 ont un bureau avec un canapé-lit. Les places de couchage sont réservées en priorité aux parlementaires venant des régions et d’Outre-mer. Pour les autres, 51 chambres sont mises à disposition à la Résidence de l’Assemblée nationale, située à deux pas du Palais. Il est également possible pour les députés de se faire rembourser partiellement leurs nuitées d’hôtel. Un parlementaire évoque dans le quotidien parisien un « budget de 500 euros par mois ». Cette règle relative au couchage, Olivier Damaisin l’estime « inéquitable » : « ce n’est pas normal que certains députés puissent dormir à l’Assemblée et que d’autres soient obligés de payer une nuit d’hôtel ».

Le protocole, ils ont intérêt à l’intégrer très vite. La rentrée parlementaire débute dans moins d'un mois avec le vote du budget, une réforme capitale qui servira de test politique pour la nouvelle majorité, d’autant plus que le président Emmanuel Macron souhaite que les députés de sa majorité, critiqués pour leur amateurisme depuis le début de l’été, montent dorénavant au créneau dans l’Hémicycle.

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