De notre envoyé spécial à Metz, Franck Alexandre
Francis Heaulme est arrivé dans la salle d’assises par un ascenseur débouchant directement dans le box des accusés. « Le routard du crime », 58 ans, a une allure d’octogénaire : la tête est blanche, le dos voûté, le regard toujours perçant. « Sans profession », indique-t-il à la cour avec son fort accent mosellan.
Puis sa défense prend la parole : « Ce cinquième procès n’a pas de sens. Tous les scellés ont été détruits », dénonce son avocat Stéphane Giuranna : « La justice a détruit les pièces à conviction. On a perdu les autres. Et on veut faire un procès où personne ne peut se défendre ou on ne peut pas demander d’expertise biologique. Comment fait-on pour défendre quelqu’un en l’absence de pièces à conviction ? Manifestement ce procès est aujourd’hui complètement bancal et ne peut pas se tenir. Francis Heaulme est serein, il se dit toujours innocent de ces crimes. Et il n’a pas varié d’un iota sur cette ligne de défense. Il n’a pas tué les enfants. Que Francis Heaulme ait une personnalité qui est celle qu’on connaît, il n’y a pas de doute. Maintenant que la justice tente de s’acheter une virginité sur le dos de Francis Heaulme dans une affaire où elle s’est quand même, pour le moins qu’on puisse dire, trompée pendante trente ans, effectivement ça me semble choquant ».
Francis Heaulme, suspecté après Patrick Dils
Le double meurtre de Montigny-lès-Metz est un dossier presque impossible à juger, une affaire dans laquelle les pistes et les certitudes ont régulièrement volé en éclats.
Il y a d'abord eu la culpabilité de Patrick Dils, adolescent introverti, accusé à tort d'avoir fracassé le crâne de Cyril Beining et d’Alexandre Beckrich, les deux enfants retrouvés morts sur le talus d'une voie ferrée le 28 septembre 1986. Patrick Dils sera finalement innocenté en 2002 après trois procès et 15 ans passés derrière les barreaux.
Les scellés ont été détruits...
Il y a ensuite eu la piste Henri Leclaire, ce manutentionnaire qui, en 1986, travaillait non loin du lieu du crime. Un temps soupçonné, son nom est revenu, il y a trois ans, dans la procédure, après un nouveau témoignage. Mais, là encore, les éléments ont été jugés insuffisants, la piste n'a pas prospéré.
Reste Francis Heaulme, 58 ans : il a déjà été condamné pour neuf meurtres. Sa présence à Montigny est avérée, et le double crime porte sa quasi-signature. Mais, mutique, le « routard du crime » n'est jamais passé aux aveux, et, trente ans après les faits, alors que les scellés ont été détruits, il sera par conséquent difficile pour la justice de faire toute la lumière.