C’est le Parquet National Financier qui mène l'enquête préliminaire ouverte mercredi 25 janvier après les révélations du Canard Enchaîné. Une enquête préliminaire, cela signifie qu’il n’y a aucune poursuite engagée pour le moment dans cette affaire, ni contre Penelope Fillon, ni contre son mari. L'OCLIFF (Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales) a simplement été chargé de vérifier les informations parues dans la presse.
Pour cela, ils procèdent donc d'abord à l’audition des protagonistes du dossier. Plusieurs témoins ont déjà été entendus : l’ancien rédacteur en chef de la Revue des Deux Mondes, Marc Crépu, l’actuel directeur du magazine, Marc Ladreit de Lacharrière, la journaliste Christine Kelly, auteur de la première biographie de François Fillon. L'enquête vise aussi des soupçons d'abus de biens sociaux : Mme Fillon y aurait été salariée pour environ 5 000 euros par mois. Le couple Fillon a également été entendu.
Perquisitions dans le cadre de l’enquête
Puis les enquêteurs mènent des perquisitions : le siège de la Revue des Deux Mondes a déjà été visité par les enquêteurs de l’OCLIFF; et ce 31 janvier, à l'Assemblée nationale. L'objectif de ce déplacement des enquêteurs, perquisition ou simple remise de documents, est toutefois incertain. Le chef de file des députés Les Républicains confirme la présence de policiers au Palais Bourbon. Lors d'une conférence de presse, Christian Jacob a indiqué avoir été prévenu de l'opération par le président de l'Assemblée, le socialiste Claude Bartolone. Certaines sources parlementaires évoquent une «perquisition dans le bureau de François Fillon». Mais selon France Inter, ce serait plutôt un bâtiment annexe de l'Assemblée qui serait la cible des enquêteurs, celui où sont conservés les papiers administratifs. Ce sont notamment les contrats de travail et les feuilles de paye de Penelope Fillon que les policiers recherchent. Des documents que l'épouse du candidat présidentiel«n'a plus» en sa possession précise France Inter.
Enfin, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a confirmé samedi 28 janvier avoir transmis aux enquêteurs les déclarations de patrimoine et d'intérêt effectuées par François Fillon comme député, sénateur et ministre.
Tout cela va assez vite. Le dossier n’est pas très compliqué même s’il a potentiellement de nombreuses ramifications avec l’emploi de deux des enfants de François Fillon comme « avocats » alors qu’ils n’étaient pas diplômés ou encore des chèques que le candidat LR aurait perçus entre 2005 et 2007, selon le JDD, pour «un montant total de l'ordre de 21 000 euros». Il va devoir s’expliquer sur tout cela.
Pas de juge d’instruction à ce stade de la procédure
Si les magistrats estiment que les accusations d’emplois fictifs semblent fondées, alors il pourrait y avoir ouverture d’une information judiciaire donc nomination d’un juge d’instruction chargé d’enquêter plus en profondeur et, éventuellement, une (ou des) mises en examen dans ce dossier. Mais le parquet financier peut aussi décider qu’il n’y a pas assez d’éléments à charge, de preuves et classer le dossier « sans suite ». On peut s’attendre à une décision dans les semaines à venir, en tout état de cause avant le premier tour de l’élection présidentielle. François Fillon avait d’ailleurs indiqué qu’il souhaitait être entendu « le plus rapidement possible » par les enquêteurs.
Les preuves du travail effectif de Penelope Fillon
François Fillon doit démontrer que son épouse a effectivement travaillé pour lui.
C’est précisément sur cela que repose la suite de l’enquête et les éventuelles poursuites. Pour cela, il ne suffit pas de produire des fiches de salaire. Il faut également produire toutes les pièces qui peuvent attester de son emploi et du travail effectué. Par exemple des emails ou des courriers signés de la main de Penelope Fillon, des notes ou des rapports qu’elle aurait rédigés, des photos ou des vidéos de réunions auxquelles elle aurait assisté, éventuellement, des témoignages démontrant la réalité de ses fonctions.
Abus de biens sociaux
Les attachés parlementaires sont souvent des petites mains très utiles aux politiques, des salariés qui fournissent un travail considérable qui ne serait pas très difficile à démontrer. Mais dans le cas d’un proche, il peut s’agir d’un travail de conseil dont la matérialité est plus compliquée à démontrer. Employer son épouse n’est pas illégal, tant que son salaire reste au-dessous de la barre des 4 700 euros bruts par mois.
Mais l’enquête préliminaire ne porte pas que sur l’emploi fictif ou réel de Penelope Fillon, et donc le détournement de fonds publics. Elle est également ouverte pour « abus de biens sociaux » en ce qui concerne son emploi à la Revue des Deux Mondes et pour recel de ces deux délits, c'est à dire le fait d’avoir profité du détournement de fonds ou de l’abus de bien social, sans en être forcément l’auteur. Si l’un de ces 3 délits est constitué, il y aura des poursuites contre les protagonistes du dossier.