Passage en force sur la loi Travail: les syndicats français appellent à la grève

Raideur, défaut de méthode, aveu de faiblesse. La presse française n'y va pas avec le dos de la cuillère ce mercredi 11 mai 2016 pour qualifier l'utilisation, par le gouvernement, de l'article 49-3 de la Constitution pour faire passer sans vote la loi Travail à l'Assemblée. Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées mardi soir en France. Des incidents ont eu lieu. Des grèves et des manifestations sont annoncées les 17 et 19 mai.

C’était un projet de loi censé favoriser le dialogue social. Il a, pour l’heure, simplement révélé l’impossibilité d’un dialogue politique au sein des gauches. Le compromis érigé en méthode de gouvernement par François Hollande, qui en parlait encore la semaine dernière au théâtre du Rond-Point à Paris, s’avère impossible.

Manuel Valls a donc reçu l'autorisation, mardi en Conseil des ministres, d'engager la responsabilité de son gouvernement pour faire passer en force à l'Assemblée nationale, grâce à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, le projet de réforme controversé du Code du travail, porté par la ministre Myriam El Khomri.

L'entourage du Premier ministre a précisé que l'une des mesures les plus controversées du texte, sur les règles des licenciements économiques dans les grandes entreprises, ne serait pas retenue. Mais la primauté donnée aux accords d'entreprises sur les accords de branche est maintenue.

Remobilisation des syndicats

Pour la seconde fois, le président se retrouve donc sans majorité au Parlement, un an après la loi Macron, l’autre symbole d’une politique économique n’ayant jamais fait consensus faute d’avoir été débattue pendant la campagne présidentielle. C'est le péché originel de ce quinquennat, et il pourrait coûter cher au chef de l'Etat s’il est candidat en 2017.

Pour l'heure, sept syndicats hostiles au projet de loi ont appelé à des grèves et manifestations les 17 et 19 mai prochains. La Confédération générale du travail (CGT) parle d'une « véritable honte ». Force ouvrière (FO), la Fédération syndicale unitaire (FSU), Solidaires et les organisations de jeunesse sont sur la même ligne. « Le gouvernement continue à dire que c'est un projet de progrès social, accuse Jean-Claude Mailly, numéro un de FO. Faudra qu'on m'explique comment un projet de progrès social peut être récusé, y compris par certaines troupes de sa majorité. »

A l'inverse, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), qui avait émis des réserves sur la surtaxation des CDD, se satisfait du passage en force. Car dans son ultime mouture, le texte renonce à faire de cette surtaxation une obligation légale, comme l'a annoncé Manuel Valls mardi à la tribune de l'Assemblée. « Une victoire pour tous les chefs d'entreprises », estime la CGPME.

Nuit debout vent debout

« Il y a quand même un petit problème quelque part. Quand le gouvernement, à l'époque de M. de Villepin, avait utilisé le 49-3 pour faire passer le CPE, François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, avait dit : le 49-3 est un déni de démocratie », rappelle Jean-Claude Mailly.

Une partie de la rue semble aller dans son sens, puisqu'à l'appel du mouvement social Nuit debout à Paris, qui fait des émules en France, plusieurs centaines de personnes ont manifesté mardi après-midi devant le palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale.

A Caen, le local du Parti socialiste a cependant été saccagé. Et à Nantes, où plusieurs centaines de personnes ont également manifesté leur hostilité au PS, des heurts ont de nouveau eu lieu. Idem à Rennes, Lille, Tours, Marseille, Lyon et Grenoble, où six policiers ont été blessés par des jets de projectiles et une personne a été interpellée. Des manifestants et un policier ont aussi été blessés à Toulouse.

La gauche de l'Assemblée divisée

Ce projet de loi controversé est présenté comme la dernière grande réforme du quinquennat de François Hollande. Pour contourner l'absence de majorité claire à l'Assemblée, le Premier ministre pourrait engager la responsabilité de son gouvernement dès le milieu d'après-midi ce mercredi.

Comme le décrit la Constitution, si aucune motion de censure n'est votée, le texte sera alors adopté. L'opposition de droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a annoncé qu'elle déposait une motion de censure. Et d'appeler les députés de gauche hostiles à la réforme à être « cohérents ».

Le Front de gauche (FG) et les écologistes d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pourraient être tentés par la défiance. De son côté, la quarantaine de députés socialistes « frondeurs » doit se réunir pour décider « collectivement » de sa position, a fait savoir son chef de file, le député PS Christian Paul.

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