France: vers un essoufflement du mouvement anti-loi Travail?

En France, c’était ce jeudi la sixième journée d'action contre la loi Travail  Une journée ponctuée par des affrontements et par des interpellations. 120 000 personnes ont défilé dans les différents rassemblements à travers la France, selon le ministère de l'Intérieur. Les observateurs s'accordent à dire que les manifestations ont nettement moins mobilisé qu'il y a dix jours lors de la dernière journée d'action. Doit-on y voir le début d'un essoufflement du mouvement ? Ce qui a retenu l'attention ce samedi, c'est que, dans le sillage du mouvement « Nuit debout », les revendications des manifestants allaient au-delà de la contestation visant la loi El Khomri. Reportage dans le défilé parisien.

Parapluie, casquette et gilet orange siglé CFDT, Pascal Pelletier défile entre République et Nation, même si sa confédération n'a pas appelé à manifester. Mais malgré les aménagements de l'exécutif, vraiment ce texte il ne l'accepte pas.

« Le plafonnement des indemnités prudhommales n’est soi-disant plus obligatoire, mais comment ça va se passer dans la vraie vie ? Le juge des affaires prudhommales, il va avoir avec lui un tableau indicatif et il va l’appliquer. Dans cette loi-là, il y a à peu près 5% de choses qui sont positives. Qu’est-ce qu’on fait avec tout le reste ? », s'interroge-t-il.

Le retrait du projet de loi Travail est la première revendication des manifestants, mais la colère est souvent plus profonde. Nasser Chébili est là aussi pour lutter contre la précarité. « On se sent lésés de devoir lutter ne serait-ce que le fait de devoir trouver un emploi, le garder, essayer de vivre décemment. »

Un peu plus loin Martine Antoine, militante communiste, l’a écrit sur son manteau : « Hollande et l'autre pays du chômage ». Et la liste de ses reproches est longue : « Tout ce qu’il n’a pas fait de ses promesses. La question de l’emploi, la question de la protection sociale, la question du vivre ensemble dans ce pays, l’état d’urgence, par exemple est complètement contraires à ce qu’il faut aujourd’hui pour que la France vive en paix et en sécurité. »

Cette colère les manifestants entendent bien continuer à la crier dans la rue, et cela même si la mobilisation contre le projet de réforme du Code du travail était en baisse ce samedi. Il faut dire depuis le début du mouvement, c'est la première fois que des manifestations avaient lieu un week-end, et elles intervenaient ce samedi pendant les vacances scolaires. Une nouvelle journée de mobilisation est prévue le 28 avril.

Pour Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière (FO), la contestation doit se poursuivre malgré quelques modifications apportées au texte « qui vont dans le bon sens ». Des modifications dues, selon lui, aux mobilisations. « Mais ceci étant, ça ne remet pas en cause la philosophie générale du projet de loi. Donc on continue la bagarre », souligne Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière (FO).

« J’ai fait deux fois des propositions au gouvernement qui n’a pas voulu les entendre, poursuit M. Mailly. La première proposition au début c’était de dire ‘vous suspendez’. Ça veut dire on rediscute y compris de la philosophie générale. Vous voyez bien, ils ne sont même pas d’accord entre eux. […] Ils n’ont pas voulu suspendre donc on demande le retrait. Je leur ai dit vous pouvez retirer dans l’honneur ou la dignité. A eux de réfléchir, tant qu’on n’obtiendra pas ça, on continuera.»

Des incidents à Paris

Des incidents ont éclaté en fin du parcours parisien, place de la Nation, entre des personnes cagoulées ou casquées, qui ont jeté de nombreux projectiles, et les forces de l'ordre, qui ont chargé à plusieurs reprises et fait usage de grenades lacrymogènes. Le préfet de police a dénoncé la présence « en tête de cortège, dès le début de la manifestation, d'un groupe de 300 à 400 militants extrémistes, militants radicaux » avec « la volonté manifeste d'en découdre avec les forces de l'ordre ».

Les heurts semblaient terminés en début de soirée. Des heurts également à Rennes et à Nantes, dans l'ouest de la France. Au total, ce soir, le ministère de l’Intérieur avance le chiffre de 26 interpellations, dont 9 à Paris et sept policiers blessés par des projectiles dont 3 à Paris. Le ministre Bernard Cazeneuve a condamné « très fermement les violences perpétrées par plusieurs centaines de casseurs en marge des manifestations ».

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