La maternelle devient cette année une école à part entière, avec une pédagogie spécifique et non plus à cheval avec l'école élémentaire. La grande section n'est plus « un petit CP », du nom de la première classe du cycle primaire en France. Un rapport de l'Inspection générale de l'Éducation nationale a relevé une tendance à faire de l'école maternelle « une petite école primaire avec une anticipation dans la préparation à la lecture et à l'écriture au détriment d'autres acquisitions ». Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp, principal syndicat du primaire, se réjouit de ces nouveaux programmes :
« Les anciens programmes avaient tendance à mettre en place des apprentissages trop prématurés, de manière trop envahissante, par exemple la phonologie, c'est-à-dire l’étude des lettres et des sons. Elle se faisait trop tôt et défavorisait les élèves les plus fragiles dans les apprentissages. Donc, seulement les élèves les plus forts en tiraient profit. Il y a un rééquilibrage des programmes en maternelle, qui disent qu’il faut être exigeant mais qu'il faut également se donner le temps dans les apprentissages langagiers, dans le développement du corps, dans la socialisation ; qui doivent permettre un développement global de l’enfant et bien la préparer au CP. »
Stéphanie Aguirre habite à Marseille. Elle est mère de trois enfants, dont Léandro, 3 ans, qui entre cette année en maternelle. Elle explique ce qu'elle attend de la petite école : « La maternelle apporte à l’enfant les premières habitudes du " vivre ensemble ", pour apprendre certaines règles de la collectivité. J’ai eu la chance d’avoir une place en crèche pour Léandro, mais certains enfants découvrent le monde extérieur à la famille avec la maternelle. La petite école apprendra à l’enfant à rester assis, à attendre son tour, à ne pas parler à tort et à travers. Lever la main pour parler ; ne pas se lever quand on en a envie. Maintenant, je pense que les enfants ont, à cet âge-là, un niveau de concentration qui n’est pas très long. Alors, j’attends aussi que la maternelle développe la psychomotricité, la créativité, mais avec des ateliers assez courts. »
« Qu'ils puissent découvrir par eux-mêmes »
Avec ces nouvelles pratiques, l'idée est de « dédramatiser le programme ». On insiste beaucoup sur le jeu, le langage, la socialisation. On réduit la place du « papier crayon » pour les élèves de grande section, et on laisse plus de temps à la découverte. Les instituteurs les plus expérimentés le disent : le but des premières années est de donner aux enfants le goût de l’école, et on apprend beaucoup par le jeu et l'expérimentation. En témoigne Emilie Levasseur, enseignante dans une école maternelle du 20e arrondissement de Paris.
Elle approuve cette approche cognitive : « Il faut que les enfants patouillent, qu’ils expérimentent, qu’ils construisent ; il faut qu’ils puissent découvrir par eux-mêmes pourquoi ça ne fonctionne pas. Pourquoi c’est le soleil qui tourne autour de la terre et pas l’inverse ? Alors, il faut observer le soleil, et pour cela, l’enfant n’est pas assis devant un bureau. Par ailleurs, il me semble que pour les élèves de grande section, l’enseignement doit être plus frontal. Par exemple, pour écrire, il faut avoir un bon positionnement du doigt, de l’épaule… Cela passe par un enseignement académique, mais c’est essentiel. »
Les enseignants saluent ces nouveaux programmes qui donnent plus de temps aux enfants pour apprendre. Mais le principal syndicat du primaire dénonce aussi un manque de formation des enseignants, craignant de ce fait que ces textes de qualité peinent à s'installer.