Sélection illégale à l'entrée en fac en France: mythe ou réalité?

Sélection illégale, filières surchargées, bacheliers livrés à eux-mêmes : dans un rapport publié mercredi 15 juillet, l'association étudiante Unef dénonce les énormes difficultés des bacheliers à s'inscrire à l'université de leur choix. La raison : un cruel manque de places dans certaines formations, qui sélectionnent alors les étudiants de façon arbitraire.

Les universités ferment leurs portes aux bacheliers. C'est le constat alarmant de l'Unef. Selon le syndicat étudiant, il n'y a jamais eu autant d'écart entre la théorie - tous les bacheliers doivent pouvoir s'inscrire dans la filière universitaire de leur choix - et la réalité. D'après l'Unef, il y a environ 5 000 bacheliers qui n'ont soit pas d'inscription à l'université pour la rentrée prochaine, soit une inscription dans une filière universitaire qu'il n'ont pas choisie.

Exemples nombreux

Joris vient de décrocher un baccalauréat scientifique et voulait précisément faire des études en sciences et techniques du sport. « J’ai sollicité sur APB, le portail admission post-bac, 12 licences sciences et techniques des activités physiques et sportives, dont six dans la région parisienne et trois dans mon académie de Créteil. J’ai par ailleurs suivi les conseils de mes professeurs qui, tout au long de l’année, nous ont dit qu’il fallait formuler un maximum de vœux si l’on veut être sûr d’être affecté quelque part. J’ai donc formulé 33 vœux et j’ai eu la mauvaise surprise de voir mon 32e vœu accepté, c'est-à-dire une formation dans le génie civil en IUT (Institut universitaire de technologie, NDLR) à Marne-la-Vallée en région parisienne. Cela n’a rien à voir avec ce que j’aimerais faire. »

La vocation de Camille, c'est de devenir psychologue. Ce n'est pourtant pas en fac de psychologie que la bachelière a été affectée, mais selon ses derniers vœux en sociologie, sciences du langage et sciences sociales : « J’ai tout eu, sauf psycho que je demandais dans mes sept premiers choix. Toutes les universités que j’ai sollicitées sont à nombre de places limitées » se désole-t-elle. Mohamed, titulaire d'un bac ES (économique et social) mention bien, voulait faire une licence d'éco-gestion. Il a rentré dans ses premiers vœux sur APB, le portail admission post-bac, plusieurs universités parisiennes. Actuellement, Mohamed est sur liste d'attente, accepté seulement à Melun, à deux heures de chez lui.

Deux phénomènes peuvent expliquer cette situation. D’une part, il y a de plus en plus de bacheliers, question de démographie. Et austérité oblige, le budget attribué aux universités est en baisse, donc ces dernières restreignent leur capacité d'accueil. Ainsi, 30 % des filières universitaires ont une capacité insuffisante pour répondre à la demande.

Une sélection illégale

Mais l'Unef va plus loin. Le syndicat étudiant reproche aux universités d'exercer une sélection illégale : « Il y a certes des problèmes budgétaires, les universités ont besoin de plus de moyens pour augmenter leur capacité d’accueil en première année, mais au-delà de ce problème, il y a des universités qui, depuis qu’elles sont autonomes, depuis qu’elles se concurrencent entre elles et cherchent à améliorer leur réputation, ont une démarche élitiste qui est illégale et inacceptable et qui doit prendre fin », rapporte William Martinet, président du syndicat.

Selon l'Unef, 54 universités sur 74 pratiqueraient une sélection illégale à l'entrée en licence et cela concernerait 334 filières. Pour la ministre de l'Education nationale Najat Vallaud Belkacem, cette pratique n’est pas tolérable : « Je n’accepte pas que l’on développe une sélection cachée alors que le principe est qu’il n’y a pas de sélection à l’entrée à l’université. Il y a un accès libre pour permettre au maximum de jeunes de faire des études supérieures. La France, contrairement à une idée reçue, ne souffre pas d’un trop-plein d’étudiants, elle souffre au contraire d’un déficit d’étudiants et de diplômés par rapport aux pays voisins. Donc, si on veut être cette société de la connaissance qui saura s’adapter plus tard, être un pays de la création d’entreprises, de l’innovation, nous devons avoir toujours plus d’étudiants et c’est pour cela qu’il faut les pousser à faire des études et pas le contraire. »

Mieux orienter les bacheliers

Jean-Loup Salzmann est président de la Conférence des présidents d'université. Pour remédier à cet embouteillage, il propose de mieux orienter et informer les lycéens afin qu’ils évitent par exemple les filières où il n'y a aucun ou très peu de débouchés professionnels : « Il n’est pas normal que des lycéens ne soient pas orientés en fonction de leurs compétences. A titre d’exemple, un élève ne peut pas passer d’une seconde professionnelle à une première scientifique, ce n’est pas possible. Il faut donc qu’un certain nombre de règles soit acceptées par tout le monde et que les étudiants qui veulent étudier les langues aient de bonnes notes en langues, et ceux qui veulent étudier le sport aient de bonnes notes en sport ».

L'Unef demande aux pouvoirs publics de garantir aux bacheliers une inscription dans la licence de leur choix. Elle attend également des réactions politiques. C'est en ce moment que se négocie le budget alloué à l'enseignement supérieur pour l'année 2016. Avec 50 000 étudiants supplémentaires par an, le syndicat étudiant souhaite que ce budget augmente.

Partager :