[Reportage] Colère des éleveurs: le Mont-Saint-Michel pris en otage

En France, des centaines d’éleveurs protestent contre la faiblesse des prix d’achat de leur production. Ils bloquaient ce mardi 21 juillet encore l’accès au Mont-Saint-Michel, l’un des sites touristiques les plus visités en France. Les éleveurs réclament la venue sur place du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. Ce dernier a enfin accepté et doit s'y rendre ce mardi. François Hollande a de son côté annoncé un plan d'urgence présenté mercredi en Conseil des ministres. Et Manuel Valls a convoqué une « réunion de ministres sur les filières d'élevage ».

La pluie qui tombe dans le Calvados n'entrave en rien la détermination des agriculteurs. L’axe qui mène au périphérique de Caen est toujours fermé, a pu constater l'envoyée spéciale de RFI, Patricia Lecompte. L'accès au Mont-Saint-Michel, temporairement accessible est de nouveau bloqué. Toute la nuit les éleveurs sont restés sur les barrages, et tôt ce 21 juillet, ils ont commencé à arrêter les camions, laissant passer au compte-gouttes les voitures. Plus loin des dizaines de tracteurs avec leurs bennes chargées de pneus usagés et de fumier stationnent sur le bas-côté, prêt à déverser leur chargement sur les parkings des grandes surfaces.

Paris versus Caen

Les agriculteurs ne lâchent rien et refusent de lever les barrages tant que le ministre de l’Agriculture ne sera pas venu ici, à Caen, ville où le mouvement a débuté et qui ensuite a gagné la Manche. Depuis ce mardi matin des agriculteurs des départements voisins, la Sarthe, l’Orne, l’Eure, ont rejoint la fronde qui est en train de toucher la Bretagne. A la mi-journée, Stéphane Le Foll a fait savoir qu'il se rendrait à Caen, à l’invitation des agriculteurs du Calvados.

Pour les éleveurs, la question de la venue à Caen du ministre est primordial. Ils ne souhaitent pas se rendre au ministère à Paris. Interrogés par RFI avant le revirement de Stéphane Le Foll, ils insistaient sur ce point. « Aujourd’hui la première revendication c’est de faire venir le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, à Caen parce que le ministre de l’Agriculture nous semble ne pas pouvoir travailler dans des conditions suffisamment imprégnées du terrain à Paris. On va pas inverser les rôles. Malheureusement, le manque de rentabilité de nos outils de production aujourd’hui ont fait trop de mal à nos trésoreries et nous n’avons plus les moyens de nous offrir un ticket de train pour aller à Paris, donc nous sommons le ministre de l’Agriculture de bien vouloir descendre à Caen. Que Monsieur le ministre soit rassuré, le ministre de l’Agriculture pourra arriver à Caen dans le calme, en toute sécurité », explique Sebastien Debieu, secrétaire général de la FDSEA du Calvados.

La grande distribution, bouc émissaire ?

L'agriculture française a beau être la plus importante d'Europe, les paysans ont souvent l'impression d'être mal aimés, et d'être des petits David face au Goliath de la grande distribution. Le président François Hollande les a d'ailleurs interpellés samedi 18 juillet en leur demandant d'augmenter les prix de la viande payés aux éleveurs. Une position critiquée par Auchan, fameuse enseigne de la grande distribution. « Le gouvernement se trompe de cible en cherchant un bouc émissaire sur cette affaire, il s’agit d’un sujet qui concerne tout le secteur et dans ce secteur il y a plusieurs acteurs de la production à l’assiette. Entre les deux, il y a les abattoirs, la transformation de la viande… alors aujourd’hui, on parle beaucoup de la grande distribution mais il nous semble important de rappeler qu’il y a beaucoup d’acteurs dont on n’entend pas beaucoup parler qui sont tous ceux qui sont entre le distributeur (le prix qui est payé au final dans le linéaire) et le prix qui est payé au producteur », indque Emmanuel Zeller, directeur de la communication d'Auchan France.

Sur ce sujet, Auchan assure avoir appliqué strictement toutes les revalorisations de ses prix d’achat, conformément aux engagements  pris lors des tables rondes du 17 juin auprès du ministre et des filières. « L’enseigne a augmenté ses prix d’achats de 5 centimes toutes les semaines jusqu’au 6 juillet, date à laquelle on a fait une pause dans les hausses. Pourquoi ? Parce qu’on s’est rendu compte que l’indicateur national des prix ne changeait pas, ça veut dire qu’il y a des gens qui n’achètent pas avec ces 5 centimes de hausses. Donc Auchan a demandé et demande à ce qu’on ait une lisibilité très claire pour savoir qui ne joue pas le jeu ».

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