Au total, 10 % des fermes sont au bord du dépôt de bilan. Un chiffre alarmant car 40 000 emplois sont directement menacés. Les filières bovine, porcine et laitière font face à une crise multifactorielle. De quoi parle-t-on ? De la fin des quotas laitiers, d'un prix du lait qui a chuté de 12 %, de la concurrence des grandes exploitations allemandes et nordiques, de la concurrence européenne en général, mais aussi de la crise ukrainienne et de l'embargo russe.
« On souhaite, depuis de nombreuses années, un système de régulation de l'offre par rapport à la demande, en responsabilisant un peu chaque pays face à sa production, et puis à un prix qui devrait être indexé sur les coûts de production, pour que les éleveurs s'en sortent, explique Pierre Brosseau, responsable de la commission Porc à la Confédération paysanne. Ils travaillent à perte, oui. Mais cela fait quinze ans qu'on propose, personne ne veut entendre. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est simplement le résultat d'un marché libre. »
Face à l'urgence de la situation, le ministère de l'Agriculture a réuni les banques pour tenter de répondre aux difficultés de trésorerie des agriculteurs. Stéphane Le Foll avait participé, mercredi, à une conférence agricole au Sénat, en présence d'une grande partie des acteurs des filières d'élevage porcin, bovin et laitier, des producteurs jusqu'aux distributeurs en passant par les transformateurs. Des mesures d'urgence, mais aussi à moyen et long terme, ont été étudiées. La contractualisation, le désendettement des agriculteurs, le report d'échéances bancaires,ont notamment été discutés. Mais le ministre veut aussi inciter les consommateurs à manger français.
Multiplication des actions « coup de poing »
Mi-juin, producteurs, abattoirs et distributeurs avaient négocié, toujours sous l'égide du ministère de l'Agriculture, un accord visant à revaloriser les prix payés aux producteurs de viande bovine. Mais depuis, les prix à l'entrée des abattoirs n'ont pas significativement bougé, faisant exploser l'exaspération. Les actions « coup de poing » se multiplient ces derniers jours.
Dans la nuit de mardi à mercredi 15 juillet par exemple, plusieurs groupes d'éleveurs de la FDSEA du Tarn ont déposé du fumier devant des grandes surfaces et les permanences de plusieurs parlementaires, pour exprimer le « ras-le-bol des producteurs bovins de lait, de viande et des éleveurs de porc par rapport aux prix pratiqués par les grandes surfaces », selon les mots du président de la FDSEA du Tarn Philippe Jougla.
Le 14 juillet, des dizaines d'agriculteurs ont par ailleurs bloqué les caravanes publicitaires des marques Cochonou et Carrefour, à Tarbes, avant le départ de la 10e étape du Tour de France. Les caravanes des deux marques avaient déjà dû renoncer à participer à la 8e étape au départ de Rennes samedi dernier. Des éleveurs de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs s'en sont également pris lundi à trois supermarchés d'Aurillac. Lundi 13 juillet, idem dans l'ouest, principale zone d'élevage du pays : des éleveurs ont mené plusieurs actions à Bayeux et Quimper. Le 2 juillet, une « nuit de la détresse » avait été organisée dans toute la France.