Alors que le projet de loi sur la transition énergétique a été adopté le 26 mai dernier par l’Assemblée nationale (réduction de la part du nucléaire de 75 % à 50 % en 2025 et réduction de 50 % de la consommation d’énergie en 2050), la France accuse toujours un retard important par rapport à ses voisins européens dans le domaine de l’éolien maritime, appelé aussi éolien offshore. Cette lenteur au démarrage est d’autant plus regrettable qu’elle dispose du deuxième plus vaste espace maritime au monde : 11 millions de km2, en prenant en compte la France d’outre-mer.
Les chiffres sont éloquents : alors que 2 488 éoliennes maritimes (dont 1 184 pour le seul Royaume-Uni) étaient en service sur 11 pays et 74 en Europe en 2014, il n’y en avait pas une seule à turbiner au large au large des côté françaises. Pas une ! Et alors que le Danemark – 25 % de l’énergie éolienne offshore produite en Europe – a mis en service son premier parc offshore de 11 éoliennes en 1991, un quart de siècle plus tard la France en est toujours au point mort.
Objectif 2020 : 300 éoliennes
Transition énergétique oblige, les choses vont bouger, d’autant que l’éolien terrestre ne cesse, lui, de progresser sur notre territoire avec en moyenne 500 nouvelles éoliennes installées chaque année et une production d’électricité par le vent qui représente désormais 4 % de la production nationale. En mer, six projets de parc éoliens marins de 450 à 498 mégawatts annuels chacun viennent d’être choisi par le gouvernement.
S’ils ne permettront pas d’atteindre l’objectif de 6 000 MW annuels à l’horizon 2020 fixés lors du Grenelle de l’environnement sur le développement durable, ils devraient produire chacun, une fois en service, l’équivalent de la consommation électrique d’une ville de 600 000 à 700 000 personnes, selon des chiffres communiqués par les milieux institutionnels. Il était temps, au vu des possibilités énormes de la France dans ce domaine.
Certaines études évoquent en effet un potentiel de 20 gigawatts terrestres (1 gigawatt vaut 1 000 mégawatts, ndlr) et de 40 gigawatts offshore pour la France ce qui pourrait, en 2040, représenter près d’un tiers de la consommation du pays en électricité. Mais pour l’heure, il faut donc partir de zéro et c’est d’abord à l’Ouest qu’il va y avoir du nouveau avec quatre sites regroupant au total 300 éoliennes dont la mise en service devrait être effective entre 2018 et 2020.
Trois de ces sites seront gérés par EDF à Fécamp en Seine-Maritime (83 unités), Courseulles-sur-Mer dans le Calvados (75 unités) et Saint-Nazaire en Loire-Atlantique (80 unités), les turbines étant fabriqués par Alstom, le géant français du transport et de l’énergie qui est en train de faire son trou dans ce secteur bien spécifique. Le quatrième site sera géré par la société espagnole Iberdrola qui aménagera 62 éoliennes à 17 km au large de Saint-Brieuc dans les Côtes d’Armor. Le coût des quatre ouvrages est évalué entre 2 et 2,5 milliards d’euros chacun (soit entre 8 et 10 mds quand même au total) alors qu’ils pourraient déboucher sur la création de 10 000 emplois, selon le gouvernement.
Des coûts encore trop élevés
Au-delà de 2020, d’autres projets sont à l’étude : deux parcs de 62 turbines chacun qui pourraient être confiés à la nouvelle société Engie (ex-GDF-Suez) sur les sites du Tréport en Seine-Maritime et des îles d’Yeu et de Noirmoutier en Vendée. Un autre parc de 13 éoliennes flottantes pourrait également voir le jour en Méditerranée au large de Fos-sur-Mer, près de Marseille. Enfin, deux projets pilotes regroupant au total 11 hydroliennes (des turbines hydrauliques sous-marines utilisant les courants marins) vont être installée d’ici 2018 au large de Cherbourg dans la Manche. Cette technologie que la France maîtrise bien ne devrait cependant ajouter qu’une vingtaine de mégawatts supplémentaires au réseau existant.
Reste à régler le problème des coûts et de la rentabilité, ce qui n’est pas une mince affaire. Dans sa configuration actuelle, l’éolien marin coûte grosso modo 200 euros le mégawatt/heure, soit plus du double de l’éolien terrestre (entre 63 et 85 euros le mégawatt/heure en 2014) et bien plus cher aussi que le nucléaire. Les optimistes pointent cependant du doigt les progrès réalisés dans ce domaine par une technologie vieille de seulement un quart de siècle. Au Danemark, pionnier en la matière, des turbines dernier cri seraient en mesure de réduire les coûts autour de 100 euros le mégawatt/heure, un objectif que se fixent aussi les industriels français mais sans doute pas avant 2030.