Dès potron-minet ce mardi, vers 4h30 TU, les migrants établis sous la station de métro La Chapelle, à Paris, ont été rassemblés dans le calme et invités à prendre place dans une dizaine de bus. Ces personnes, originaires principalement du Soudan, mais aussi d'Erythrée, de Somalie ou d'Egypte, vivaient dans des conditions d'hygiène particulièrement précaires après un parcours du combattant chaotique. (lire notre reportage de la semaine dernière)
Il était prévu qu'ils soient envoyés vers des centres d'hébergement de la région parisienne, après des entretiens ayant permis d'établir qu'environ 160 personnes étaient potentiellement concernées par l'asile, contre 200 autres considérées en transit vers des destinations tiers à l'étranger. Ce mardi matin sur la chaine de radio France Info, la ministre française de la Santé et des Affaires sociales, Marisol Touraine, a plaidé pour un relogement « rapide » et « dans de bonnes conditions » des personnes concernées.
Un risque sanitaire trop élevé à Paris
Le camp du métro La Chapelle était apparu l'été dernier. Il avait rapidement pris de l'ampleur en avril, après la vague d'arrivées de migrants sur les côtes européennes au retour du printemps. Depuis le début de l'année 2015, plus de 45 000 immigrés clandestins ont débarqué en Italie. C'est encore un peu plus que l'an passé sur la même période (41 243 arrivées entre le 1er janvier et le 31 mai 2014).
En l'absence de structures sanitaires et en raison de la promiscuité des lieux, la situation était devenue intenable au métro La Chapelle. Fin mai, des risques de dysenterie et des cas de gale avaient été signalés par les autorités. Mercredi, la préfecture avait fait état d'un risque d'épidémie. C'est ce qu'a fait valoir Marisol Touraine : « Les campements sont des lieux qui, en termes d'épidémie, en termes sanitaires, sont toujours des risques (...) d'abord pour ceux qui y habitent. Donc, le démantèlement de ce camp répond a une exigence (...) sanitaire. »
A Calais, des évacuations signalées aussi
Un peu plus tard ce mardi, vers 8 h TU, deux autres camps de migrants ont commencé à être évacués par la police française à Calais, dans le nord du pays, comme le rapporte l'Agence France-Presse. Une double intervention qui fait suite à deux décisions de justice. L'un des deux camps, dit du « chemin du Vivier », se trouvait à proximité du tunnel sous la Manche. L'autre est celui de Vandamme, du nom d'un ancien site industriel à proximité d'un des collèges de Calais. La préfecture estime qu'environ 140 migrants ont été évacués.
Au chemin du Vivier, Cécile Bossy, de Médecins du monde (MSF), assure qu'il n'y a eu « aucune information officielle » au préalable. « La police leur a demandé de prendre leurs affaires et de partir », dit-elle, ajoutant qu'un groupe de mineurs pourrait être acheminé vers un centre de rétention. Dans ces deux camps, les forces de l'ordre ont également tenté d'effectuer un tri entre les migrants en fonction de leurs statuts. Des dizaines d'hommes et de femmes ont ainsi été libres de repartir, et se sont exécutées, prenant la direction du port.
Un départ de rixe presque incontrôlable
A Calais, point de départ de milliers de clandestins espérant rallier le Royaume-Uni, perçu depuis des années comme un eldorado, le contexte est tendu puisque dans la nuit de dimanche à lundi, dans le campement surnommé « new jungle », une rixe entre migrants (pas la première) avait éclaté. Plus de 20 personnes avaient été blessées dans cette rixe.
Entre 200 et 300 migrants étaient impliqués, ce qui avait justifié l'intervention de renforts policiers dans ce campement sauvage installé à proximité d'un centre d'accueil créé début 2015. Quelques jours plus tôt, un migrant avait déjà été blessé par balle à Calais, tandis qu'un autre avait trouvé la mort après avoir été renversé sur l'autoroute entre cette ville et Boulogne. (écouter nos reportages audio à Calais ici et là)
Des arrivées massives par la Méditerranée
Selon l'Organisation internationale pour les migrations, au moins 1 770 hommes, femmes et enfants sont morts ou ont disparu en tentant la traversée de la Méditerranée en 2015. Depuis vendredi dernier, plus de 5 000 migrants ont été secourus en mer après le lancement d'une opération à l'échelle européenne concernant des migrants partis de Libye. C'est ce qu'a indiqué, dans un communiqué daté de dimanche, l'agence européenne chargée des frontières extérieures de l'espace Schengen (Frontex).
Frontex précise que les sauveteurs ont découvert 17 corps, et que cinq autres opérations de sauvetage similaires, concernant 500 migrants, ont été lancées. En matière de vagues migratoires, la Grèce n'est pas en reste non plus, puisque le nombre de migrants arrivés en avril dans le pays a augmenté de 870 % par rapport à avril 2014, selon les données de la section grecque du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Quelque 13 500 migrants sont entrés en Grèce, souvent en provenance des côtes occidentales turques. Ils sont en majorité Syriens (58 %) et Afghans (21 %).
La France invite les pays européens à faire plus
Mercredi dernier, la Commission européenne a demandé aux Etats membres de l'Union européenne de prendre en charge 40 000 demandeurs d'asile originaires de Syrie et d'Erythrée, en guise de solidarité avec Rome et Athènes, plaidant pour une répartition de cet effort collectif basée sur la population de chaque pays d'accueil, son niveau de PIB, son taux de chômage et le nombre de demandeurs d'asile qu'il a déjà accueillis.
Mais les ministres français et allemand de l'Intérieur ont fait part récemment de leurs réserves sur la forme, comme le Premier ministre français Manuel Valls, considérant que l'équilibre « n'est pas encore atteint » dans les efforts demandés aux différents Etats membres, que la répartition devrait « mieux prendre en compte les efforts déjà effectués », et qu'un tel mécanisme devait rester « temporaire et exceptionnel », et « s'insérer dans une approche globale sur les migrations ».