Ils pensaient que leur texte ferait consensus, c'est tout l'inverse. Les rédacteurs de la proposition de loi sur la fin vont trop loin pour les uns, pas assez pour les autres. Le texte prévoit certes qu'une personne pourra donner des directives sur son choix de fin de vie: coma ou non. Il divise profondément les députés au-delà des clivages politiques.
Pour le député socialiste Jean Louis Touraine, il manque l'option claire du suicide assisté. « Il n’y a pas libre choix offert aux personnes, puisque les personnes doivent en définitive choisir soit d’être mis dans une sorte de comas, soit de continuer à endurer leur souffrance. »
Un texte qui transcende les clivages traditionnels
La souffrance, il affirme qu'il connait. Pourtant Patrick Ollier, député UMP, est, lui totalement pour cette future loi, qu'il trouve équilibrée. « Je suis passé par là avec ma maman il y a quatre ans, j’ai vécu des moments dramatiques. Je trouve que le texte apporte de l’humanité, et permet néanmoins à ceux qui considèrent qu’on ne peut pas interrompre une vie de considérer que les décisions qui sont prises ne heurtent pas leur conscience. »
Si le texte transcende les clivages traditionnels droite-gauche, c'est que le sujet touche à l'intime comme le rappelle un de ses rédacteurs, le député UMP Jean Leonetti. « Les grands textes : l’abolition de la peine de mort, la loi Veil, ont été votées par une partie de la droite, et par une partie de la gauche. Donc le consensus total, nous n’arriverons pas à le faire, parce qu’on touche à l’intime, et en même temps, on touche à des convictions profondes, et à des marques d’une société. »
Des Français divisés
Sur l'esplanade des Invalides, à Paris ce mardi 10 mars, ils sont des dizaines à brandir dans le calme des silhouettes blanches frappées du nom du collectif « Soulager mais pas tuer ». Convictions religieuses ou personnelles, tous dénoncent ce qu'ils appellent « les risques de dérives euthanasiques » du projet de loi. Alix Freinet est étudiante en médecine et porte-parole de l'association « Soigner dans la dignité », elle explique son engagement : « Voir un patient vous dire : "Je suis foutu", et lui répondre : "Pourquoi vous me dites ça ?". Puis, essayer de parler et qu'à la fin il vous dise : "Mais vous avez raison, ça me fait du bien quand vous me dites que je ne suis pas foutue". C’est vraiment l’expérience personnelle qui enracine ses convictions ».
De l'autre côté de l'Assemblée nationale, à peu près le même nombre de membres de l'ADMD manifestent, eux-aussi. L'association pour le droit à mourir dans la dignité dénonce également le projet de loi, mais parce qu'il ne va pas assez loin. Dominique a vu sa mère s'éteindre lentement, dans la douleur, pendant trois ans. Il veut que les parlementaires aillent jusqu'au bout de la démarche et autorisent le suicide assisté : « Je ne veux pas qu’on me torche tous les matins, je ne veux pas ça. Peut-on être digne avec de la merde jusqu’aux oreilles ? Je dis non ! »
Les députés ont deux jours pour discuter la loi et ses plus de 1 000 amendements. Le vote final est prévu pour le 17 mars prochain.
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