Fin de vie: la CEDH examine le dossier de Vincent Lambert

« Laisser partir » Vincent Lambert ou le maintenir artificiellement en vie ? La Cour européenne des droits de l'homme a entamé mercredi l'examen du sort de ce tétraplégique en état végétatif, devenu l'objet d'une tragédie familiale aux enjeux éthiques complexes. Après s'être déchirés dans les prétoires français, les protagonistes de cette affaire à rebondissements se sont retrouvés pour une audience, pour trancher définitivement d'ici un à deux mois.

La procédure qui a mené le cas de Vincent Lambert devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) est tout à fait exceptionnelle. Elle n'intervient que pour des dossiers qui concernent des « questions graves » relatives à la Convention européenne des droits de l'homme lorsque tous les autres recours judiciaires ont été épuisés.

Depuis 2013, la famille de cet homme de 38 ans, maintenu artificiellement depuis six ans dans un état végétatif, s'oppose sur la question de son maintien en vie. Sa femme et l'équipe médicale se disent favorable à un arrêt des soins alors que les parents réclament leur poursuite.

La loi Leonetti de 2005 prévoit pourtant la possibilité du « laisser mourir » en arrêtant les traitements au risque d'entraîner la mort. Mais les parents de Vincent Lambert se sont juridiquement opposés à l'application de cette loi. Depuis, une course judiciaire s'est engagée sur fond de débat national.

En effet, François Hollande s'était engagé lors de son élection à faire voter « une nouvelle loi sur la fin de vie et le droit de mourir dans la dignité ». Un sujet qu'il a une nouvelle fois évoqué lors de ses résolutions 2015 pour la nouvelle année.

Respecter le vœux de Vincent

La décision de la Cour sera rendue sans doute d'ici un à deux mois. François Lambert, le neveu de Vincent Lambert, a été présent, aujourd'hui, à l'audience à Strasbourg. Il estime qu'il faut respecter le vœux de son oncle qui avait exprimé sa volonté avant sa dépendance.

François Lambert espère que les 17 juges de la Cour européenne rejetteront la requête des parents de Vincent et qu'ils confirmeront la légalité de l'arrêt du Conseil d'Etat qui en juin dernier a autorisé l'interruption de l'alimentation et de l'hydratation de son oncle : « Ils ont une position de principe, mais c’est une position de principe qui est la leur, qui n’est pas celle de Vincent. Ils ne mettent jamais en avant la personnalité de Vincent, ils ne mettent jamais en avant les souhaits qu’auraient aimés Vincent. Ils mettent en avant, en revanche, leur subjectivité sur à peu près tout. L’expertise médicale qui était assez claire sur l’état de Vincent, ils la contestent. Elle a été faite par trois personnes dont on ne peut suspecter qu’elles avaient un intérêt légitime à ce que Vincent meurt. Il ne faut pas exagérer. J’espère que la requête des parents sera irrecevable dans la matière et j’espère que la décision ira dans le souhait de Vincent. »

Quelle pourrait être la décision de la Cour européenne ?

L’audience concernant Vincent Lambert s’est tenue devant l’instance suprême de la Cour, la Grande chambre, dont les arrêts sont définitifs. Si elle donne raison au Conseil d’Etat, donc à la France, qui en application de la loi Leonetti, a autorisé en juin l’interruption des traitements de Vincent Lambert, le processus de fin de vie pourra débuter. La sonde gastrique à l’aide de laquelle il est nourrit et hydraté sera retirée et pour que son corps n’éprouve aucune souffrance, des sédatifs lui seront administrés.

Si en revanche la Cour décide de maintenir Vincent Lambert en vie, il pourrait être transféré dans un établissement spécialisé pour personnes en état végétatif. Tel en tout cas est le souhait de ses parents, qui ont fait valoir devant la Cour « le droit à la vie », garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce n’est pas la première fois que la Cour de Strasbourg va se prononcer sur la fin de vie, mais jusqu’à présent ses jugements portaient sur l’euthanasie ou le suicide assisté. Il n’y a jamais rien eu sur l’arrêt des traitements ou l’acharnement thérapeutique.

Selon les juristes, sur tous ces sujets délicats la Cour choisit la prudence et laisse aux Etats une importante marge d’appréciation.
 

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