François Hollande sur TF1: des annonces «floues»

La prestation de François Hollande sur TF1 n'a pas convaincu le politologue Gérard Grunberg. Ce chercheur du Centre d'études européennes de Sciences Po (CERI) décrypte la communication et les propositions du chef de l'Etat.

RFI : L’exercice est-il, selon vous, réussi ou pas pour le chef de l’Etat ?

Gérard Grunbert : Je dirais non parce que, au fond, ce qu’on n’a pas très bien vu dans cette interview, c’est le but poursuivi. Il n’y a pas d’annonce nouvelle. On s’en doutait, mais on en espérait quelques-unes. A part, peut-être, la réparation de l’erreur de départ sur le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), remplacé comme il aurait fallu le faire d’ailleurs dès le départ par une baisse des charges des entreprises.

D’autre part, il n’y avait pas non plus, je trouve, de la part du président de la République cette volonté ou cette capacité à se dépasser, à dire : voilà, ce n’est pas seulement la France, c’est moi qui suis aux commandes et voilà ce qu’il faut faire.

Je vous donne un exemple qui m’a tout à fait frappé : c’est le moment où le président de la République discute avec cette chef d’entreprise, qui lui montre assez facilement et assez clairement le problème de compétitivité. Il est assez d’accord, au fond, sur le diagnostic. Il nous le dit depuis un an ou deux : Oui, la compétitivité c’est important, oui la baisse des charges c’est important, oui c’est l’emploi et les richesses qui sont créées par les entreprises privées. Et puis ça s’arrête un peu là.

On sait quelque chose, c'est qu'on ne peut pas faire beaucoup plus, parce que… Eh bien voilà, parce que le Parti socialiste n’est pas d’accord. Parce que, au fond, les Français ne sont peut-être pas d’accord. L’impression d’impuissance, me semble-t-il, est la plus importante, alors que le diagnostic est assez juste.

Mais alors à ce moment-là, il aurait fallu réellement foncer dans la brèche. Il faudrait au fond, clairement dire au Parti socialiste : voilà quelle est ma ligne. Or, qu’est-ce qu’on a vu hier ? On a vu, comme toujours que les quelques annonces n'étaient que des annonces…

Il y en a quand même eu quelques annonces. Il faut bien lui reconnaître ça. Il entend réformer la France. Il assure qu’il n’y aura pas de nouvelle hausse d’impôts. Il promet une mesure en faveur des retraités. Des deuxièmes ou troisièmes chances pour les décrochés scolaires. Est-ce que ces annonces peuvent être de nature à répondre quand même aux attentes des Français ?

D’abord certaines annonces étaient floues quand même ! On ne sait pas exactement ce qui va se passer, par exemple, sur ce problème effectivement fondamental des jeunes qui sortent sans qualifications, sans diplômes, et qu’il faut essayer de remettre dans la machine à formation ! C’est tout à fait vrai. Mais vous remarquerez que ça a déjà été dit. On ne connaît pas les conditions dans lesquelles ça va se faire !

Et c’est un peu comme ça à chaque fois. Pour les emplois aidés, c’est la vieille idée socialiste qui avait d’ailleurs été demandée par les proches de Martine Aubry, encore récemment : devant ce problème il faut d’abord compter sur les emplois aidés. Mais est-ce que ce sont vraiment des emplois aidés ou est-ce qu’il faut vraiment mettre encore plus le paquet sur la compétitivité des entreprises ? Et ça, à mon avis, ce n’est pas suffisamment tranché !

Revenons sur la sortie concernant Manuel Valls : « Le Premier ministre applique la politique que j’ai moi-même fixée, nous formons une équipe ». En clair : je décide de tout. Ce positionnement face à Manuel Valls, comment  l’analysez-vous ?

D’abord, ce n’est pas nouveau dans l’histoire de la Ve République. Il peut y avoir, de temps en temps, une forme de rivalité entre le président et le Premier ministre, pour savoir quel était le patron.

Ce qui n’était pas le cas, en tout cas jusque-là, pour François Hollande.

Non. Ce n’était pas le cas pour François Hollande avec le Premier ministre précédent. Il y a une relative autonomie du Premier ministre, ne serait-ce que dans la manière dont il définit sa propre politique. Parce que, au fond, il n’y a pas de différence fondamentale entre la politique que définit Manuel Valls et celle de François Hollande. Il semble que Manuel Valls, justement, va plus loin dans la logique de cette politique et j’ai l’impression que François Hollande veut aller un peu plus prudemment, un peu moins vite et que ça l’agace probablement quelquefois que le Premier ministre aille plus loin ou plus vite ou plus fort qu’il ne le fait lui-même.

François Hollande entame la deuxième partie de son quinquennat. Il a laissé planer le doute sur sa candidature ou non en 2017. Est-ce une partie de sa stratégie de communication, selon vous ?

A mon avis, il n’a pas pris sa décision. Il est obligé de tenir compte des sondages qui sont mauvais. Il est bien obligé de dire : si ça continue comme ça, je ne pourrai pas être candidat. Cela ne veut pas dire qu’il en a abandonné l’espoir. Cela veut dire qu’il reconnaît, comme tous les Français, que ce sera quand même extrêmement difficile pour lui de tenter sa réélection.

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