L’objectif du gouvernement consiste à déclencher une dynamique sur le pacte et valoriser certaines branches qui avancent, comme la métallurgie. Problème : pour l'heure, seulement deux accords ont été signés. L'Union des industries chimiques, notamment, prévoit la création de 47 000 emplois d'ici 2017 et l'accueil de 5 000 apprentis en plus par an. Selon le Medef, 47 branches sont mobilisées et une vingtaine devraient finaliser leurs discussions d'ici fin octobre. Au total, 700 branches professionnelles existent en France. Le mouvement devra accélérer, sinon le gouvernement légiférera.
L’inspiration allemande
Le pacte de responsabilité et de solidarité vise à baisser le coût du travail en France. Il s'inspire des réformes Hartz qui ont rendu plus flexible le marché du travail allemand, il y a douze ans. En août 2002, l’ancien chef du personnel de Volkswagen, Peter Hartz, procédait à une série de réformes avec une remise à plat, et en profondeur, de l’Etat social allemand. Si ces réformes ont attiré par la suite bon nombre de critiques, elles ont aussi permis de redresser l’économie allemande et relancer l’emploi. Or, c’est là justement que se situe la différence fondamentale avec la France : le pacte français ne modifie pas le fonctionnement du marché du travail.
« On ne touche pas au marché du travail en France », estime Eric Rugraff, maître de conférences en économie à l'université de Strasbourg. Pour lui, « il y a une nécessité de flexibiliser davantage, mais d’un autre côté il faut aussi repenser le système d’aides, en mettant l’accent sur des possibilités de formation, que ce soit la formation par l’apprentissage, que ce soit la formation continue ou la formation des personnes ayant un emploi qui correspond à un secteur dépassé ». Une telle formation professionnelle « pourrait laisser du temps à ces personnes pour qu’elles se réorientent vers de nouveaux emplois ».
Le modèle de gouvernance européen
Au menu de cette rentrée sociale bien compliquée, il y aussi la litigieuse question des seuils sociaux. Ces seuils imposent aux entreprises des obligations quand leurs effectifs augmentent, et notamment à partir de 11 et 50 salariés pour la représentation des salariés. Des obligations qui recouvrent le dialogue social, l'aide à la formation ou au logement, ou encore le reclassement. Ces obligations ont un coût, et le patronat souhaite les assouplir. Une demande appuyée par le chef de l'Etat. Si la CFDT est prête à discuter, la CGT refuse de négocier les seuils sociaux.
Assouplir les seuils sociaux créerait-il de l'emploi ? Le Medef en est convaincu, et avance un chiffre entre 50 000 et 150 000 emplois. Mais des experts préviennent : on risque de réduire l'intérêt des salariés pour leur entreprise. Jean-Paul Pollin, professeur à l’université d’Orléans et membre du Cercle des économistes, y voit même une contradiction « entre ce que dit Monsieur Valls lorsqu’il affirme qu’il est important de permettre une meilleure participation des salariés à la gestion et à l’orientation de l’entreprise, et cette idée qu’il faut modifier les seuils sociaux de façon à réduire les contraintes qui pèseraient sur l’entreprise. Il faut manier cela avec prudence. »
Les salariés s’investissent dans la vie de l’entreprise. C’est le modèle de gouvernance des entreprises en Europe. Pour Jean-Paul Pollin, « les sociétés qui sont les plus concernées par cette participation des salariés, ce sont justement les entreprises de haute technologie pour lesquelles la ressource humaine est plus stratégique que le capital financier lui-même. »
Le modèle social français
Flexibiliser, licencier plus facilement, surveiller les chômeurs qui ne cherchent pas d'emploi... La France ne risque-t-elle pas d'y laisser son modèle social ? C'est précisément ce que craignent les syndicats. Pour Eric Rugraff, cela dépendra des réformes à venir, car « il y a encore un filet de protection en France, comme des aides sociales ou des allocations logement, le RSA. Ces aides permettent à des personnes qui les reçoivent de survivre. Alors qu’en Allemagne, on est dans un système qui a une logique complètement différente. Quelque part, c’est : vous avez peu d’aides, vous avez peu de filets sociaux, donc travaillez. Quitte à avoir un, deux ou trois emplois à temps partiel. » Ce qui est souvent le cas en Allemagne aujourd’hui.
En attendant, une journée de mobilisation inter-syndicale est maintenue par la CGT pour le 16 octobre prochain.