France: les magistrats attendent toujours la réforme pénale

Christiane Taubira, maintenue au ministère de la Justice, doit encore mener la réforme pénale à son terme. Promise dès les débuts du quinquennat de François Hollande, celle-ci prévoyait notamment d’en finir avec les peines plancher. Pour l’Union syndicale des magistrats, il est plus que temps.

Elle devait être l'une des grandes réformes du quinquennat. Mais la réforme pénale tarde encore à voir le jour. Christiane Taubira aurait dû être entendue sur le sujet par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, mercredi 2 avril. Finalement, c'est un nouveau report, remaniement oblige.

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Le monde judiciaire s'interroge. « Je suis extrêmement inquiet », insiste Christophe Régnard, de l'Union syndicale des magistrats (USM). « Cette réforme, que l’on nous présentait comme urgente dans les suites de l’élection du président de la République en 2012, finalement, deux ans après, n’est toujours pas adoptée. » Pour le représentant de l’USM, « c’est un peu le problème de Christiane Taubira pour toutes ses réformes : c’était le cas pour la réforme constitutionnelle, pour la réforme de la collégialité de l’instruction, et ça l’est pour la réforme pénale. Il y a un moment où il va bien falloir que des réformes soient adoptées, sinon, on comprend mal quel est le sens de l’action publique ».

Abrogation des peines plancher

Et cette réforme pénale, pour l’USM, est d’autant plus importante et urgente « qu’elle vise à corriger un certain nombre de points très négatifs du précédent quinquennat qui ont démontré leur inefficacité ». En l’occurrence, il s’agit notamment de mettre un terme au système des peines plancher, mesure emblématique de Nicolas Sarkozy. Mais la ministre de la Justice et Manuel Valls, lorsqu’il était au ministère de l’Intérieur, s’étaient violemment opposés sur cette question, Manuel Valls ayant affiché son opposition à l’abrogation des peines plancher. L’une des autres mesures phare de la réforme pénale engagée par Christiane Taubira est l’instauration d’une nouvelle peine : la contrainte légale. Alternative à la prison, cette peine sera prononcée pour une durée de un à cinq ans pour tous les délits passibles d’un maximum de cinq ans de prison. La définition et le suivi des obligations incombant au condamné seront à la charge du juge d’application des peines.

Pas de calendrier fixé

L’incertitude qui pèse sur l’avenir de cette réforme pénale du fait du bras de fer qui s’est joué entre Christiane Taubira et Manuel Valls a, en partie, été levée par Jean-Jacques Urvoas. Le député socialiste, proche du nouveau Premier ministre, a en effet reconnu ce jeudi que Manuel Valls était « hostile au texte tel qu’il était écrit » mais que « le ministre de l’Intérieur, devenu Premier ministre, n’est pas hostile à la réforme ».

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« Le texte qui a été présenté à la fin du mois d'août, par Jean-Marc Ayrault, engage le gouvernement, engage la garde des Sceaux, engage le ministre de l'Intérieur, je ne vois pas comment le Premier ministre ne serait pas d'accord avec l'ancien ministre de l'Intérieur », insiste le député du Finistère, qui plaide cependant pour que le texte passe à l’Assemblée nationale « au mois de juillet ». Un report d’encore quelques mois que ce proche de Manuel Valls justifie par le fait qu’il ne lui a « pas semblé que pendant la campagne électorale qui vient de se terminer c'était un sujet immédiatement abordé par les électeurs ».

La ministre de la Justice n’a pas abordé la question depuis l’annonce de son maintien à son poste. Elle doit intervenir ce vendredi 4 avril, dans l’après-midi, lors d’un colloque sur la justice et la surpopulation carcérale, organisé par l’Association nationale des juges de l’application des peines. Nul doute qu’elle profitera de l’occasion pour livrer sa propre vision du calendrier qu’elle entend donner à la mise en place de « sa » réforme pénale.

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